Jan 08

Monde académique et guerre économique

Les mondes académique et économique ont parfois (souvent ?) du mal à se retrouver et à coopérer… Soulignons donc un récent article traitant des liens entre le monde académique et la guerre économique, publié par Infoguerre, centre de réflexion sur la guerre économique sous l’égide de l’École de guerre économique, institution se focalisant surtout sur une approche managériale de la cybersécurité.

Les publications sur la guerre économique relatent les différentes formes de débat qui portent sur ce concept. Un point commun à l’ensemble de ces articles est la difficulté à traiter de la notion d’accroissement de puissance par l’économie. En 2003, l’universitaire Fanny Coulomb abordait la question en ces termes : « L’expression de « guerre économique » a été employée au cours de la dernière décennie pour renvoyer aux bouleversements économiques souvent douloureux induits par la mondialisation, qui justifieraient l’intervention de l’Etat pour limiter leurs conséquences négatives. Ainsi, R. Reich affirme au début des années 1990 que la désintégration inéluctable des économies nationales risque d’accroître l’insécurité et la paupérisation, la modification de la nature des emplois augmentant notamment les inégalités. Il préconise la mise en place d’une politique industrielle adaptée par les Etats-Unis, qu’il considère comme destinés à être les seuls arbitres d’une économie désormais globalisée. Le concept de « guerre économique » est cependant loin de faire l’unanimité parmi les économistes. Dès 1942, il avait été directement critiqué par J.A. Schumpeter, dans son ouvrage « Capitalisme, socialisme et démocratie ». Celui-ci rejette l’idée selon laquelle la fin du capitalisme sera causée par la « concurrence destructrice » qui résulterait des luttes entre entités économiques géantes, même si l’assimilation des relations entre entreprises géantes à une guerre est suggérée ».

Le discours académique se heurte aux réalités 

Il faut lire et relire l’ouvrage de Matthieu Auzanneau sur la manière dont le pétrole a en quelque sorte structuré les rapports de force qui ont dominé une partie de l’Histoire contemporaine. La pensée de Schumpeter comme celle l’économiste marxiste russe Boukharine ne produit aucune grille de lecture adaptée à l’analyse du processus décrit par Auzanneau. Les économistes s’enferment dans une approche qui se veut constructive de leur domaine d’expertise. Ils ne peuvent donc pas admettre par exemple que la construction de l’empire Rockefeller s’est faîte en tournant le dos à tous les principes moralisateurs du respect des règles de la concurrence. Il en est de même pour la création artificielle de l’Irak par les Britanniques qui étaient prêts à toutes les manipulations géopolitiques possibles pour s’assurer la maîtrise des champs pétrolifères dans cette partie du monde.

Quant à la pensée du type Boukharine, elle peut sembler dans un premier temps visionnaire : « Les Etats s’impliquant dans la défense des intérêts nationaux sur la scène extérieure, les conflits internationaux se multiplient, d’abord sous la forme de guerres économiques, qui ne sont elles-mêmes que des préludes aux conflits militaires. ». Mais cette vision marxiste de l’impérialisme finit par s’enliser dans la quête de la destruction du modèle à combattre. Les multinationales pétrolières américaines ont guidé la politique américaine et non l’inverse. Les conflits militaires pour l’accès au pétrole, ne sont qu’un moyen parmi d’autres et non une fin en soi pour aboutir au succès d’une stratégie durable de domination.

La nécessité d’aborder à sa juste mesure la complexité de l’accroissement de puissance par l’économie

La notion de guerre économique n’a de sens que si elle est associée au processus conflictuel de construction des puissances, que ce soit au niveau des États ou bien au niveau d’empires industriels dominateurs comme le démontre l’histoire de la Standard Oil, de son faux démantèlement et de sa capacité à transgresser toutes les règles apparentes de contrôle de l’économie de marché.

Tant que le monde académique ne se donnera pas les moyens d’analyser la partie immergée de l’iceberg pour étudier la problématique de la recherche de puissance, il éludera l’essentiel.

Fanny Coulomb avait donc raison de suggérer à ses pairs une nouvelle approche du concept de guerre économique. 17 ans plus tard, force est de constater qu’en dehors des travaux de l’Ecole de Guerre Economique et des publications des cofondateurs de de l’Ecole de Pensée de Guerre Economique, le monde académique est encore à la traîne pour aborder les évidences. L’affrontement de puissance entre la Chine et les Etats-Unis révélé publiquement par la présidence Trump est désormais un livre ouvert sur les différentes facettes que peut prendre la guerre économique contemporaine. Il s’agit d’en cerner toutes les nuances et les contradictions comme le soulignait en 2011 Eric Bosserelle.

Les écrits de sensibilisation sont aujourd’hui indispensables pour aider les futurs étudiants à aborder la question d’une manière concrète. C’est le sens de la démarche d’Axelle Degans qui en 2018 publiait « La guerre économique à l’ombre de la crise : le cas français ». 

https://infoguerre.fr

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Nov 28

Les enjeux chinois de la blockchain

C’est sous l’égide de la Fondation de l’Académie des technologies que vient d’être publié une note sur l’intérêt de la Chine pour la Blockchain :une priorité technologique et un enjeu stratégique international.

La blockchain fait partie, aux côtés notamment de la 5G et de l’intelligence artificielle, des technologies dans lesquelles la Chine investit fortement et souhaite prendre le leadership mondial. Une impulsion politique au plus haut niveau et un soutien financier conséquent ont permis au secteur d’attirer un important effort de recherche ces dernières années, tant dans les instituts de recherche qu’au sein des groupes technologiques publics et privés. 

Ces ambitions chinoises portent également une dimension politique, à la fois pour le contrôle et la sécurisation des données en Chine et dans une logique d’influence mondiale en matière de standardsetd’infrastructures. Dansuncontextedetensionsmondialescroissantes,lesenjeuxde souveraineté nationale et de cybersécurité associés à la blockchain pourraient à terme favoriser un double découplage entre la Chine et le reste du monde : 

  • Un découplage technologique, déjà amorcé dans d’autres secteurs tels que les semi- conducteurs. Suite aux sanctions américaines à l’été 2020, le leader chinois des télécommunications Huawei s’est ainsi trouvé dans l’impossibilité de continuer à se fournir en puces avancées auprès du taïwanais TSMC. Si à court terme, ce découplage pourrait entraver le développement chinois en privant le pays de certains composants ou de certaines briques technologiques essentielles, la Chine se trouve aussi confortée dans ses ambitions de développer à moyen terme une industrie indigène autonome ; 
  • Un découplage dans le modèle même de la blockchain, entre un modèle totalement ouvert et un modèle contrôlé centralement par l’État. Au-delà des interrogations sur l’acceptabilité internationale du BSN pour des raisons de sécurité, deux écosystèmes pourraient se développer parallèlement à l’échelle mondiale : l’un basé sur une conception de contrôle étatique de la blockchain, d’abord en Chine puis dans les pays qui partagent la conception chinoise du contrôle du cyberspace le long des Nouvelles routes de la soie ; l’autre basé sur une vision de la blockchain existant hors du contrôle étatique, permettant son usage à discrétion par des consortiums totalement privés ainsi que de la mise en œuvre de cryptomonnaies anonymes et sans tiers de contrôle. 

Internet a été inventé et développé par les États-Unis, qui en contrôlent aujourd’hui une grande partie des infrastructures et ont gardé une forte influence dans ses instances de gouvernance, leur donnant un poids géopolitique fort. Avec la blockchain et le Blockchain Service Network, la Chine déploie d’importantes ressources pour que le développement du futur d’internet soit chinois. Quelle que soit l’issue de cette course, la généralisation de la blockchain demeure, en Chine comme ailleurs, conditionnée à l’existence d’applications concrètes et créatrices de valeur économique, lesquelles restent encore à concevoir et à déployer. 

http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2020/09/18/11/03/06/b5de0cbb-dc90-431d-99d6-93aa9846fe2f/Blockchain_Dossier_202007.pdf

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Nov 14

Contraintes sur les approvisionnements pétroliers de l’UE d’ici à 2030

Le lecteur de ce blog connaît l’intérêt que je porte au think tank The Shift Project. Celui-ci a récemment publié une étude montrant, à partir de données exclusives, que la majorité des sources actuelles d’approvisionnement en pétrole de l’Union Européennes menacent de décliner à partir de 2030.

Le déclin probable d’ici à 2030 des capacités de production des pays fournissant aujourd’hui plus de la moitié du pétrole consommé par l’Union européenne (UE) risque d’entraîner des contraintes significatives sur l’approvisionnement de celle-ci. 

Le volume total des sources actuelles d’approvisionnement en pétrole de l’UE risque de connaître une contraction pouvant aller jusqu’à 8 % entre 2019 et 2030, selon une analyse offrant un détail sans précédent dans une étude publique, s’appuyant essentiellement sur les estimations des capacités futures de production mondiale de brut de l’agence d’intelligence économique norvégienne spécialisée Rystad Energy. Les rythmes potentiels maximum de cette contraction sont supérieurs au rythme de décrue de la consommation pétrolière que connaît depuis 2010 l’Union européenne (laquelle, malgré cette décrue, importe aujourd’hui plus de brut que la Chine ou que les Etats-Unis). 

La production de la Russie et celle de l’ensemble des pays d’ex-URSS, qui fournissent plus de 40 % du pétrole de l’UE, semblent être entrées en 2019 dans un déclin systématique. La production pétrolière de l’Afrique (plus de 10 % des approvisionnements de l’UE) paraît promise au déclin au moins jusqu’en 2030. 

Les croissances de production attendues par Rystad sont très largement tributaires du développement de découvertes de pétrole dont le potentiel technique et économique n’a pas encore été apprécié, ou d’hypothétiques découvertes futures. De ce fait, une grande part de ces croissances attendues comporte un degré d’incertitude important, intrinsèquement supérieur au degré d’incertitude des déclins attendus, ces derniers étant induits par une évolution connue et précisément mesurée de productions existantes dites « matures ». 

Le risque sur les approvisionnements futurs de l’UE est aggravé : 

– d’une part à cause de l’extrême volatilité des prix du brut constatée au cours de la dernière décennie, qui complique et rend incertaines les politiques d’investissement des pétroliers, 

– et d’autre part à cause de la forte croissance de la demande attendue de l’Asie et de l’Afrique, deux continents dont la production devrait décliner, d’après Rystad et l’Agence internationale de l’énergie. 

Si des contraintes sévères sur la production mondiale de pétrole risquent de s’exercer directement ou indirectement sur l’UE au cours de la décennie, l’occurrence de ces contraintes semble inexorable au-delà de 2030. 

L’enjeu des limites à la production mondiale de pétrole apparaît ainsi comme la « voiture-balai » des politiques climatiques : si ces politiques climatiques échouent, l’humanité risque d’être rattrapée par des contraintes de plus en plus fortes sur l’accès au brut. Ces contraintes ne suffiraient toutefois pas à supprimer le problème du réchauffement. Loin de s’exclurent, réchauffement climatique et « pic pétrolier » sont deux dangers qui se cumulent et se composent. 

Par conséquent, l’enjeu du « pic pétrolier » constitue une raison supplémentaire forte pour entreprendre d’urgence la planification de la sortie du pétrole, sans compter pour cela sur une croissance économique mondiale qui demeure jusqu’ici proportionnelle à la consommation de pétrole. 

Au regard de sa gravité, le problème du « pic pétrolier » ici posé reste pour l’heure radicalement sous-documenté et mal compris. 

https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/06/Étude_Déclin-de-lapprovisionnement-de-lUE-en-pétrole-dici-2030_TSP.pdf

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Oct 30

Un peu de rationalité dans les positions dites « écologiques » vis-à-vis du nucléaire !

Un peu de rationalité dans les positions dites « écologiques » vis-à-vis du nucléaire !

Fermer Fessenheim et d’autres réacteurs est un contre-sens. Tel est le titre d’un avis que l’Académie des Sciences a publié durant l’été…

L’un des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim a été arrêté en février 2020 et le deuxième a été arrêté à la fin du mois de juin. Ce sont 1800 mégawatts d’électricité qui viennent donc d’être supprimés. D’ici à 2035, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie prévoit d’arrêter 12 autres réacteurs nucléaires du même type dans le cadre d’une diminution de 75 à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France. Or, l’énergie nucléaire n’émet pas de CO2, le principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique et de l’acidification des océans, elle est décarbonée. C’est grâce à cette énergie que la France est l’un des pays les plus vertueux en matière d’émissions de CO2 en Europe et que, par exemple, la production d’un kWh en France émet dix fois moins de CO2 qu’en Allemagne. L’Allemagne est prise ici comme élément de comparaison en raison de sa décision, en 2011, de se débarrasser totalement de l’énergie nucléaire. 

Plusieurs arguments alimentent le questionnement du public quant à ce mode de production de l’électricité. 

Certains pensent que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, qui contribueront demain au mix électrique, sont plus à même de décarboner l’électricité que le nucléaire. Dans les faits, en matière d’émissions de CO2, le nucléaire est comparable à l’énergie éolienne et plus vertueux que l’énergie solaire. C’est ignorer également que la production d’électricité par ces sources renouvelables est intermittente : lorsque les éoliennes s’arrêtent faute de vent ou que le photovoltaïque cesse de produire, il faut les remplacer par des centrales pilotables. La France y parvient avec ses centrales nucléaires et hydroélectriques, à condition que la quantité d’énergie à réguler ne soit pas trop importante. Par exemple, l’Allemagne où ces énergies intermittentes représentent déjà 29 % de l’électricité produite, où il y a peu de barrages et où les centrales nucléaires sont en cours de fermeture, se retrouve dans l’obligation d’équilibrer l’intermittence par l’activité de centrales à gaz, charbon ou lignite. Par ailleurs, malgré d’importants efforts de recherche sur de nouveaux types de batteries et sur de nouvelles méthodes de stockage, on ne sait pas encore comment stocker l’électricité à grande échelle. C’est pour cela que l’Allemagne, qui a remplacé la moitié de ses réacteurs nucléaires par des installations d’énergie renouvelable, ne voit pas ses émissions de CO2 diminuer et voit même ses émissions par personne dépasser le double des émissions françaises. 

Les réacteurs de Fessenheim sont également considérés par beaucoup comme trop anciens. Mis en service en 1977, ces réacteurs sont loin d’atteindre l’âge de l’arrêt qui a été fixé à 60 ans aux États-Unis pour des réacteurs semblables. En France, leur sûreté est contrôlée en permanence par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), un organisme aussi exigeant qu’indépendant, qui a le pouvoir d’arrêter tout réacteur qui présenterait des anomalies ou pourrait simplement bénéficier d’une sûreté renforcée. À ce propos, il faut se rappeler que les réacteurs de Fukushima-Daiichi n’étaient pas équipés de sûretés comparables à celles des réacteurs français. 

Il faut aussi être conscient que les 14 réacteurs de type Fessenheim utilisent du plutonium comme partie de leur combustible. Sans eux, tout le plutonium produit par le parc électronucléaire risque de devenir un encombrant déchet en attendant de futurs réacteurs à neutrons rapides (RNR). Quoi qu’il en soit, il faut étudier dès maintenant un prototype de RNR, malgré l’arrêt du programme Astrid. 

Il est aussi avancé que Fessenheim est situé en zone sismique. Or, le plus fort séisme survenu dans la région (Bâle, 1356) était de magnitude 6,2 sur l’échelle de Richter. Cela correspond à une énergie 30 000 fois moindre que celle du séisme de magnitude 9,1 qui a endommagé la centrale de Fukushima en déclenchant un tsunami de 30 m de haut qui a dévasté la côte japonaise sur 600 km de large. La structure de Fukushima avait résisté au séisme avant d’être frappée par le tsunami. Il n’y a rien de comparable à Fessenheim ni d’ailleurs au site de n’importe quelle centrale nucléaire en France. Les risques de séisme sont pris en compte dans les analyses de sûreté faites régulièrement par l’ASN. 

Grâce à l’énergie nucléaire, la France bénéficie aujourd’hui d’une production d’électricité parmi les moins chères d’Europe. L’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui était amortie depuis longtemps déjà, sera une perte sèche en raison du manque à gagner et des indemnités à verser aux exploitants. Comme souligné par la Cour des comptes : « La fermeture de la centrale de Fessenheim, caractérisée par un processus de décision chaotique, risque d’être coûteuse pour l’État ». Le surcoût du projet de l’EPR de Flamanville, comme l’a analysé J-M. Folz dans son rapport d’octobre 2019 , est dû essentiellement à des difficultés opérationnelles. 

Même si l’on s’accorde sur la nécessité d’accélérer la recherche et le développement sur les énergies renouvelables et le stockage, il faut garder un nucléaire fort, sûr et bon marché, pour que la France maintienne sa position de pays parmi les moins émetteurs de CO2, position qu’elle doit au choix historique de ce mode de production et qui est compatible avec les scénarios les plus favorables du GIEC. Il faut donc très rapidement prendre la décision de construire de nouveaux réacteurs pour remplacer ceux dont l’arrêt est programmé ou qui arriveront bientôt en fin de vie. 

https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/2020_07_07_Avis_Fessenheim.pdf

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Oct 16

Plateforme des données de santé (ou Health Data Hub)

La santé est un secteur relativement en avance sur la « gestion » des données avec une vision d’utilisation par des traitements algorithmiques (dits d’« intelligence artificielle »). Il est intéressant de s’intéresser à ses enjeux « informatiques et liberté » via une publication de la CNIL.

La Plateforme des données de santé (PDS), également appelée « Health Data Hub » (HDH), a été créée par arrêté du 29 novembre 2019 pour faciliter le partage des données de santé, issues de sources très variées afin de favoriser la recherche. 

Sa création a ainsi pour ambition de répondre au défi de l’usage des traitements algorithmiques dans le domaine de la santé et suit les préconisations du rapport du député Cédric Villani de mars 2018 intitulé « Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne ». 

Les termes « Plateforme des données de santé » peuvent faire référence :

  • au groupement d’intérêt public (GIP) chargé de la mise en place et de l’administration de cette plateforme ; cette entité juridique a succédé à l’Institut des données de santé (INDS) ;
  • à la solution technique : une plateforme technologique permettant notamment le stockage et la mise à disposition de données.

Les missions de la Plateforme, qui sont prévues par l’article L. 1462-1 du Code de la santé publique, sont multiples. Elles consistent à :

  • réunir, organiser et mettre à disposition des données, issues notamment du système national des données de santé (SNDS) et promouvoir l’innovation dans l’utilisation des données de santé ;
  • informer les patients, promouvoir et faciliter l’exercice de leurs droits ;
  • contribuer à l’élaboration des référentiels de la CNIL ;
  • faciliter la mise à disposition de jeux de données de santé présentant un faible risque d’impact sur la vie privée ;
  • contribuer à diffuser les normes de standardisation pour l’échange et l’exploitation des données de santé ;
  • accompagner, notamment financièrement, les porteurs de projets sélectionnés dans le cadre d’appels à projets lancés à son initiative et les producteurs de données associés aux projets retenus.

Au regard des enjeux « Informatiques et Libertés » que soulèvent la création de la Plateforme des données de santé, notamment s’agissant de la nature des données traitées et de leur volume, la CNIL a eu plusieurs occasions de se prononcer sur sa mise en œuvre.

Dans son avis sur le projet de loi d’organisation et de transformation du système de santé du 31 janvier 2019 portant création de la Plateforme, la CNIL a notamment attiré l’attention sur :

  • l’importance particulière, en ce domaine, d’un  niveau  élevé  de  garantie  des  droits des personnes, et notamment de la parfaite information de celles-ci sur l’usage de leurs données personnelles. Conformément aux  observations  de  la CNIL, les missions de la plateforme ont été complétées par une mission  additionnelle   d’information   des   patients  et  de promotion  et de facilitation de leurs droits ;
  • le nécessaire respect des principes de limitation et de minimisation des données par ces nouveaux traitements de recherche, présentant un caractère extrêmement sensible, dans le contexte du développement des techniques d’intelligence artificielle en santé ;
  • les risques inhérents à la concentration éventuelle de données sensibles sur la plateforme technologique, qui nécessiteront la mise en place de mesures de sécurité appropriées.

La CNIL s’est par la suite prononcée sur sa mise en œuvre anticipée en avril 2020 pour les besoins de la gestion de l’urgence sanitaire et de l’amélioration des connaissances sur la COVID-19. Dans son avis, la CNIL a notamment attiré l’attention sur :

  • les risques liés aux conditions de démarrage anticipé de la solution technique dans un contexte où la Plateforme de données de  santé  a  dû accomplir  en  quelques  semaines  des  opérations,  dont certaines structurantes, pour  garantir la  sécurité des données traitées qui étaient prévues pour s’étaler sur plusieurs mois.
  • les éventuels risques matériels et juridiques en matière d’accès direct par les autorités de pays tiers.

En outre, la Plateforme des données de santé a interrogé la CNIL sur les conditions techniques de sa mise en œuvre au regard des obligations issues du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi Informatique et Libertés dans le cadre d’une demande de conseil. À cette occasion, la sécurité globale de la Plateforme a été évaluée et la CNIL a réitéré sa position sur la question des transferts de données hors de l’Union européenne.

Sur la constitution d’un entrepôt de données au sein de la Plateforme, la CNIL a relevé que la centralisation des données au sein de la Plateforme des données de santé implique la création d’un entrepôt de données de santé en vue de leur mise à disposition auprès d’autres responsables de traitements.

Elle a ainsi rappelé que :

  • la constitution  de  cette  base,  qui  s’inscrit  dans  un  contexte  particulier  d’urgence  et  de  gestion d’une crise sanitaire en cours, ne saurait être encadrée par l’arrêté précité que pour la période d’état d’urgence sanitaire déclaré à l’article 4 de la loi du 23 mars 2020. Au-delà, ce traitement ne disposerait plus de base légale ; 
  • des   éléments   essentiels   concernant   le   fonctionnement   de   la   Plateforme en dehors du contexte de l’état d’urgence sanitaire seront précisés dans le décret en Conseil d’Etat prévu à l’article L. 1461-7 du code de la santé publique ;
  • la centralisation de données au sein du « catalogue » de la Plateforme, qui constitue un entrepôt  de  données,  devra être  soumise  à  autorisation  préalable  de  la  CNIL,  en  application  des  dispositions  des  articles  44-3°  et  66  de  la  loi  Informatique  et  Libertés.

La CNIL considère que la sécurité des données mises à disposition par la Plateforme est assurée, sous réserve de la mise en œuvre des mesures prévues dans le plan d’action défini dans l’homologation de la Plateforme. Cependant, comme pour tout traitement de données, les mesures de sécurité devront être réévaluées régulièrement pour prendre en compte les évolutions de la plateforme et des risques associés.

La CNIL recommande également :

  • sur les imports/exports de données, qu’une vigilance particulière soit de mise afin de garantir l’anonymat effectif des exports conformément aux exigences du référentiel de sécurité du système national des données de santé et à la position prise par la CNIL dans sa délibération n° 2020-044 du 20 avril 2020 portant avis sur un projet d’arrêté complétant l’arrêté du 23 mars 2020 ;
  • qu’une vision plus globale de la sécurité de la plateforme soit donnée aux responsables de traitement afin qu’ils soient parfaitement informés des conditions de sécurité dans lesquelles les données qu’ils lui confient seront traitées.

En outre, s’agissant des conditions de démarrage anticipé de la solution technique, la CNIL a indiqué que la Plateforme des données de santé devra s’assurer que cette mise en œuvre anticipée n’engendre pas de risque supplémentaire pour les personnes concernées.

La CNIL a estimé que des données pourront être transférées hors de l’Union Européenne dans le cadre du fonctionnement courant de la solution technique, notamment pour gérer et assurer le bon fonctionnement du système informatique.

Elle a également pris acte de ce que ce transfert sera encadré par le biais de clauses contractuelles types, conformément au RGPD.

À ce titre, elle rappelle :

  • les inquiétudes soulevées à plusieurs reprises par le Comité européen de la protection des données (CEPD) concernant l’accès par les autorités nord-américaines aux données transférées aux États-Unis, plus particulièrement la collecte et l’accès aux données personnelles à des fins de sécurité nationale en vertu de l’article 702 de la loi américaine FISA et du décret (« Executive Order ») 12 333 ;
  • que les dispositions du RGPD interdisent toute demande d’accès d’une juridiction ou d’une autorité administrative d’un pays tiers, adressée à des entreprises dont les traitements sont soumis au RGPD, en dehors d’un accord international applicable ou, selon l’interprétation du CEPD, de l’application d’une dérogation relative à l’intérêt vital de la personne concernée ;
  • que les porteurs de projet recourant au service de la Plateforme doivent être informés de ce transfert.

Au vu de ce contexte et de la sensibilité et du volume des données ayant vocation à être hébergées au sein de la PDS, pour lesquelles le niveau de protection technique mais aussi juridique le plus élevé doivent être assurés, y compris en matière d’accès direct par les autorités de pays tiers, la CNIL a fait part de son souhait qu’une vigilance particulière soit accordée aux conditions de conservation et aux modalités d’accès aux données.

À plus long terme, elle a pris acte de ce qu’il lui a été indiqué que l’entrepôt appelé à être constitué au sein de la Plateforme des données de santé n’est pas lié aux services d’un unique prestataire. Elle souhaiterait, eu égard à la sensibilité des données en cause, que son hébergement et les services liés à sa gestion puissent être réservés à des entités relevant exclusivement des juridictions de l’Union européenne.

https://www.cnil.fr/fr/la-plateforme-des-donnees-de-sante-health-data-hub

Voir aussi une note du Conseil national du numérique Confiance, Innovation, Solidarité : Pour une vision française du numérique en santé https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/ra-sante-cnnum-web.pdf

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