Juil 02

Remettre la France dans la course technologique

Le Cercle des économistes émet 10 propositions pour remettre la France dans la course technologique.

La France est-elle toujours dans la course technologique ? Notre position dans la recherche, l’innovation et le développement n’a cessé de se dégrader au fil des décennies. Avec des dépenses de recherche et développement qui s’élèvent à 2,2% de son PIB, la France se classe au 13e rang mondial et au 7e rang des pays de l’Union Européenne, alors que des pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, les pays du nord de l’Europe et la Corée du Sud approchent voire dépassent les 3%. 

Si débloquer des fonds supplémentaires est important, la manière de les mobiliser l’est plus encore. 

Une coopération étroite entre les secteurs public et privé est essentielle pour le développement, l’application et la diffusion des technologies. La dépense intérieure de R&D des entreprises en France, qui représente 1,4% du PIB, est inférieure à celle de l’OCDE, de 1,7% du PIB. Or les entreprises, notamment industrielles, sont le moteur de la dynamique technologique : d’abord par l’offre, étant elles-mêmes innovantes, mais aussi par la demande, car elles contribuent à développer les marchés de ces technologies en les adoptant. Le secteur privé ne peut porter seul cette progression et c’est d’une articulation bien coordonnée des filières entre recherche publique, recherche privée, formation et production dont nous avons besoin, notamment via les pôles de compétitivité. 

Dans cette course mondiale, l’Europe a un rôle central à jouer pour revenir au niveau des géants de la technologie américains et chinois. Malgré un retard important accumulé dans de nombreux secteurs, l’Europe réagit, notamment avec les Projets Importants d’Intérêt Européens Communs (PIIEC). Dans le domaine des batteries par exemple, le PIIEC permet de débloquer 5,1 milliards d’euros, avec un effet de levier espéré de 9 milliards d’euros apportés par le secteur privé, des montants comparables à ceux engagés par la Chine. Mais l’Union Européenne peut offrir de nombreux autres outils pour stimuler la recherche, dans les innovations de rupture et dans la stimulation de la demande en technologies. 

Enfin, la course technologique ne sera gagnée qu’avec la mobilisation de l’ensemble de la société française pour développer la connaissance scientifique. Nous avons perdu le goût pour la recherche. Les projets de recherche, longs et risqués, ne sont plus acceptés tant politiquement que socialement, en raison d’un principe de précaution qui prévaut trop largement. Les filières techniques et technologiques sont largement sous-valorisées, tant dans la formation que dans les rémunérations offertes sur le marché du travail. Nous perdons ainsi chaque année de nombreux chercheurs et jeunes talents de la “Tech”, qui préfèrent partir à l’étranger. C’est en conservant et en ranimant ces ressources humaines que la France fera son retour aux avant-postes de la course technologique. 

Pour revenir dans la course, le Cercle des économistes propose de s’appuyer sur 10 propositions qui rétabliront la France parmi les grandes nations innovantes : 

Axe 1 : Remettre la recherche au cœur des préoccupations économiques et sociales 

1. Porter les dépenses de recherche et développement en France à 3% du PIB, soit une augmentation de 20 milliards d’euros par an, afin de nous porter au niveau des grandes nations innovantes comme les Etats-Unis, l’Allemagne ou les pays du Nord de l’Europe. 

Axe 2 : Créer un vrai écosystème de recherche public-privé 

2. Refondre l’organisation de la recherche en cassant les silos existants entre grandes écoles, universités et centres de recherche pour en faire, sur le modèle allemand, des fondations qui peuvent accueillir des financements, lever des fonds massivement et porter des projets de recherche à long terme et ambitieux. 

3. Privilégier une approche “bottom-up”, structurée en grandes filières, des agences de recherche nationales, en concentrant leur rôle à celui de sélection, financement et accompagnement de projets présentés par des équipes de recherche, publiques et privées. 

4. Cibler nos efforts de financement dans des écosystèmes mixtes publics-privés très portés vers l’avenir, qui se caractérisent par quatre critères : 

  • Ils s’appuient sur des marchés publics et/ou affirmés, 
  • Ils doivent mobiliser un ensemble de technologies, numériques, mais également mécaniques 

ou chimiques, car la France a une grande capacité d’assembler ces technologies, 

  • Ils se développent en partenariat étroit avec des institutions de recherche, 
  • Ils partent de compétences existantes mais peu développées, souvent liées à des pôles de 

compétitivité.
Nous pouvons l’illustrer de multiples manières, par la robotique, les énergies de la mer, l’imagerie médicale, les biotechnologies ou encore les télécommunications à partir de la 5G. Si nous prenons le cas de la robotique, pensons par exemple aux “cobots”, robots non autonomes qui effectuent des tâches en coopération avec des humains, afin de les diffuser pour un déploiement sur des segments et tâches pénibles ou à faible valeur ajoutée. 

Axe 3 : Bâtir une Europe de la technologie 

5. Créer, au niveau européen, des agences sur le modèle des DARPA et BARDA américaines pour financer les innovations de rupture. Ces agences couvriraient les grands projets européens dans les domaines de la défense, de l’aérospatiale, de l’énergie, de la microélectronique, du numérique et de la santé. 

6. Mettre en place un “Buy European Act”, qui réserve aux entreprises européennes l’accès aux marchés publics dans certains secteurs innovants afin de stimuler la demande dans ces technologies. Le développement technologique à l’échelle d’une société ne peut en effet avoir lieu que si les innovations sont portées par l’offre mais aussi par la demande. Cette première mesure doit être complétée par des incitations d’adoption et achat de nos technologies françaises et européennes auprès des entreprises et des ménages. 

Axe 4 : Construire une société animée par la connaissance scientifique
7. Revaloriser les métiers industriels et techniques, quel que soit leur niveau de formation, et faciliter leur accès aux formations économiques et commerciales. 

8. Développer la formation par la recherche, en imposant un stage de 6 mois dans un centre ou une institution de recherche à tous les étudiants en formation supérieure dans les sciences, y compris les sciences sociales et économiques. Ce stage peut s’effectuer dans une institution française ou européenne. 

9. Proposer des rémunérations plus attractives pour les carrières des chercheurs. En plus de l’approche “bottom-up” des agences de recherche nationales, qui contribuera à augmenter le financement de projets de recherche (cf proposition 3), il convient de renforcer les crédits de base octroyés aux unités de recherche afin d’assurer aux chercheurs une rémunération plus importante et un cadre de travail satisfaisant. 

10. Créer des certifications afin d’améliorer l’intégration des titulaires de doctorat sur le marché du travail, pour les placer dans les catégories supérieures des grilles de rémunérations. 

https://lecercledeseconomistes.fr/propositions-relancer-la-france-dans-la-course-technologique/

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Juin 18

Le démantèlement des installations nucléaires

Si la France a un bilan carbone par habitant moitié moindre que l’Allemagne, elle le doit notamment à sa production électro-nucléaire. Outre un niveau d’excellence en matière de sûreté et sécurité nucléaire, cette filière nécessite de répondre aux questions du renouvellement progressif du parc actuel, de la gestion des déchets et du démantèlement des installations.

S’agissant de ce dernier point, un récent rapport propose des mesures susceptibles d’améliorer la réalisation technique et opérationnelle des chantiers de démantèlement des installations nucléaires civiles et de favoriser la constitution d’une filière industrielle française du démantèlement nucléaire. Ses conclusions sont ici reprises.

La législation française prévoit que les opérations de démantèlement sont effectuées dès que possible après l’arrêt de l’installation (principe dit du « démantèlement immédiat »). Ces opérations sont réalisées sous la responsabilité de l’exploitant concerné (EDF, CEA ou Orano), en partie par l’exploitant lui-même, en partie par des sous-traitants : grands groupes de BTP et d’ingénierie (Bouygues, Eiffage, Vinci), de services (Veolia, Onet, …), ETI et PME actives dans le domaine nucléaire. La répartition des rôles de chacun tend à évoluer au profit d’une internalisation des tâches au sein d’entités spécialisées créées par les exploitants (Edf et Orano). Les chantiers comportent une première phase qui vise, d’une part à laisser refroidir puis évacuer le combustible (ou plus généralement le terme source principal), d’autre part à recueillir les autorisations administratives et préparer le chantier. Dans une seconde phase, les installations sont déconstruites. Les opérations de la première période sont très spécifiques et sensibles, celles de la seconde d’une nature banale (démontage, découpe…), mais effectuées en partie dans des zones potentiellement contaminées, ce qui nécessite des mesures de protection individuelles et une maîtrise d’œuvre adaptées. 

Dans le cas particulier des réacteurs à eau sous pression (REP), le coût de démantèlement est estimé par EDF à environ 400 M€ (soit un rapport de 1 à 20 avec la construction), le chantier faisant intervenir en moyenne 80 ETP pendant chacune des 15 premières années (soit un rapport d’1 à 5 avec l’effectif d’exploitation). Les types d’emplois ne sont pas non plus les mêmes puisque les opérations de déconstruction requièrent des qualifications moindres. L’incidence d’un chantier de démantèlement sur le chiffre d’affaires des entreprises et sur l’emploi est donc bien moindre que dans le cas de la construction ou de l’exploitation d’une centrale. 

51 installations nucléaires civiles sont actuellement à l’arrêt en France (36 du CEA, 9 d’EDF et 6 d’Orano). Le premier réacteur à eau sous pression (REP) « de série » est mis à l’arrêt, à Fessenheim, en février 2020. Le gouvernement prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici 2035. 

La plupart des pays étrangers concernés sont dans une situation similaire (démantèlement en cours, mais non achevé). Si l’Allemagne, la Belgique et le Japon préconisent, du moins officiellement, le « démantèlement immédiat », le Royaume Uni, à l’inverse, privilégie la mise sous cocon des installations après évacuation du combustible (afin que la radioactivité du site diminue avec le temps et que le chantier de démantèlement ultérieur soit plus facile et moins coûteux). Les États-Unis, pour leur part, offrent les deux possibilités (démantèlement immédiat ou mise sous cocon), mais, surtout, permettent que la responsabilité du démantèlement soit transférée de l’exploitant à une entreprise tierce spécialisée. 

Le marché mondial du démantèlement peut être estimé à 300 à 600 Md€ sur un siècle, pour 450 réacteurs devant être arrêtés au cours des 50 prochaines années. La plupart des pays souhaitant que le maximum de tâches soit effectué par de la main-d’œuvre locale, les entreprises françaises ne peuvent espérer agir à l’international que dans l’ingénierie ou certaines tâches qui nécessitent des appareillages spécifiques ou une expérience reconnue. 

Le comité stratégique de filière, avec le syndicat professionnel (GIFEN), pourrait utilement élaborer un document recensant, d’une part le marché potentiel du démantèlement dans la prochaine décennie, tant en France qu’à l’étranger, d’autre part les compétences existant dans la filière française et ses points forts. Pour améliorer ses chances de conquérir des marchés à l’étranger, la profession pourrait davantage s’organiser concrètement (participation aux salons, élaboration d’un guide du savoir-faire français, etc. voire constitution d’un GIE). 

La mission ne recommande pas de modifier la règle du caractère immédiat du démantèlement, dont elle souhaite seulement qu’elle soit appliquée avec le discernement et les nuances que les textes prévoient, ni de remettre en cause la pratique que le démantèlement soit réalisé sous la responsabilité de l’exploitant initial. Elle observe que la France est un des rares pays à considérer que tout objet ou toute matière qui a pénétré dans une zone potentiellement contaminée doit être traité comme un déchet nucléaire et donc ne peut pas être réutilisé quel que soit son niveau effectif de radioactivité : cette exigence, qui va au-delà de ce que prévoit la directive européenne, accélère la saturation des centres de stockage des matières nucléaires ; sans aller jusqu’à recommander que la France, comme ses voisins, instaure un « seuil de libération », la mission estime souhaitable de prolonger le dialogue engagé dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), pour examiner avec pragmatisme dans quelles conditions et avec quelles limites des adaptations du principe du zonage pourraient être apportées. Cette approche est sans doute la seule qui permette de progresser sur un sujet historiquement clivant, entre des industriels plutôt allants pour mettre en place un seuil de libération, et certaines ONG très réservées voire opposées, à cette démarche. Les mesures de contrôle et de surveillance nécessaires à toute évolution de la doctrine actuelle, leur coût, leur efficacité et leur crédibilité, seront un enjeu essentiel dans les futurs débats. 

Une meilleure coordination entre les industriels qui effectuent le démantèlement et l’ANDRA, qui est chargée du recueil et du traitement des déchets, permettrait de faciliter la réalisation des chantiers et de diminuer le coût de l’ensemble de la chaîne des opérations nécessaires jusqu’au stockage des déchets. De même, les exploitants pourraient utilement harmoniser, voire rendre interopérable, leur référentiel de qualification des sous-traitants. 

Les chantiers de démantèlement comportent inévitablement d’importantes incertitudes : les opérations de démantèlement ont rarement été prises en compte lors de la construction des installations et la constatation de situations imprévues entraîne nécessairement d’importantes difficultés compte tenu du risque de contamination. Aussi est-il indispensable de davantage « dérisquer » le projet de démantèlement avant de nouer les relations contractuelles entre les différents intervenants. A cette fin, la mission recommande qu’une opération de démantèlement fasse l’objet de deux appels d’offres successifs, le premier portant sur des études préalables approfondies de l’installation à démanteler et des contraintes techniques à prendre en compte pour réaliser les travaux, le second sur les travaux de démantèlement proprement dits. Pour la même raison, le contrat à prix forfaitaire est peu adapté à des chantiers comportant une part importante d’incertitude, si bien qu’il convient de préférer des formules contractuelles davantage partenariales (retenant des prix cibles ou la logique « cost + fee ») et fondées sur une matrice des risques détaillée indiquant la répartition entre les co-contractants des conséquences financières de la survenance de chacun. Ces deux évolutions des relations contractuelles, globalement souhaitées par les sous-traitants, pourraient aujourd’hui trouver un écho positif chez les exploitants, confrontés directement aux risques et aléas de tels chantiers, et à leur gestion. 

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/demantelement-nucleaire.pdf

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Juin 04

L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France

L’édition 2021 de l’État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (E.E.S.R.I.) vient de paraître. Point de repère annuel et chiffré du système français d’enseignement supérieur et de recherche, cet ouvrage présente, au moyen de graphiques, tableaux illustratifs et commentaires, les dernières données de synthèse disponibles sur l’ensemble de ces domaines..

Chaque année, ce document présente un état des lieux chiffré du système français, de ses évolutions, des moyens qu’il met en œuvre et de ses résultats. Une mise en perspective internationale est réalisée pour les indicateurs les plus structurants. L’ouvrage aborde une cinquantaine de thèmes déclinés sur une double page comportant une synthèse et plusieurs graphiques et tableaux illustratifs. L’essentiel des données est issu de sources exploitées par le service statistique ministériel en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce document s’appuie aussi largement sur d’autres sources et contributions émanant du MESRI et du MENJS (DEPPDGESIPDGRIDGRH notamment) ou d’autres organismes, en particulier de l’Insee, de l’OCDE, du Céreq, de l’OST du Hcéres, d’Erasmus+ et de l’OVE.

Les principales conclusions qui peuvent être tirées sont les suivantes .

  • Des dépenses en faveur de l’enseignement supérieur légèrement supérieures à la moyenne de l’OCDE
  • Le nombre d’étudiants progresse vivement : + 10 % sur les seules 5 dernières années
  • Une amélioration sensible de la réussite à l’université
  • Les milieux sociaux favorisés accèdent toujours beaucoup plus aux diplômes les plus élevés
  • Les jeunes filles sont nettement plus diplômées que les garçons, mais leur insertion professionnelle est bien moins favorable
  • La place des établissements d’enseignement supérieur dans la formation continue reste extrêmement faible
  • La science française dans le paysage mondial de la recherche et de l’innovation
  • En France, près de 620 000 personnes se consacrent à la R&D en 2017 

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid158045/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-n-14-avril-2021.html

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Mai 28

Les ODD comme référentiel pour l’analyse des politiques publiques

Une Brève de l’Académie des technologies propose d’analyser les politiques publiques au regard des ODD (Objectifs de Développement Durable).

Les Objectifs de Développement Durable [ODD] sont un outil cohérent, ambitieux, universel et transversal au service des enjeux sociaux, économiques et environnementaux intrinsèquement liés à un développement soutenable. Comme indiqué dans la Feuille de route de la France pour l’Agenda 2030, la France souhaite être exemplaire et s’est déterminée à atteindre ces 17 ODD et leurs 169 cibles au niveau national et à les promouvoir au niveau international. 

L’Agenda 2030, ses ODD et les objectifs détaillés associés relatifs aux changements climatiques (Accord de Paris), à la protection de la biodiversité (Objectifs d’Aïchi) et à la résilience vis-à-vis des risques de catastrophes (Objectifs de Sendaï) forment un tout cohérent, les ODD au sens large, qui rassemble les besoins et aspirations des Français dans une vision équilibrée des nombreux enjeux et fournit un cadre précis pour l’action. 

L’Assemblée nationale a voté le 26 novembre dernier une résolution demandant au gouvernement de s’assurer que les lois proposées au vote de l’Assemblée contribuent aux ODD. 

L’Académie souligne l’importance d’une méthodologie rigoureuse dans l’utilisation du référentiel des ODD pour l’analyse des politiques publiques. Elle recommande que ce référentiel soit utilisé, en particulier vis-à-vis des actions qui seront mises en place dans le cadre du plan de relance de l’économie de notre pays. 

L’analyse de l’Académie s’appuie sur les travaux au printemps 2020 d’un groupe de membres des Académies des technologies, des sciences et de l’agriculture qui ont porté sur les impacts des crises sanitaires et économiques sur l’atteinte des ODD et sur l’utilisation souhaitable des ODD pour la relance sur tous les plans (économique, social, éducatif, culturel…) de notre pays. 

1. Analyser les impacts d’actions publiques sur les ODD nécessite une méthodologie rigoureuse 

Il est apparu à l’Académie utile d’explorer les méthodologies d’analyse des impacts des options d’action ou d’investissement publics sur les ODD pour identifier celles qui peuvent apporter le plus d’objectivité et de garanties. Les réflexions méthodologiques figurent dans une note d’analyse accessible sur le site de l’Académie (« ODD réflexions méthodologiques », Gérard Payen, Académie des technologies, 31 juillet 2020). L’attention est attiréesur certains éléments majeurs pour la pertinence de telles analyses d’impacts sur les ODD : l’analyse des impacts potentiels positifs et négatifs des options d’action ne doit pas se restreindre à un ODD particulier ou à un petit nombre d’ODD, mais étudier systématiquement l’ensemble de ces objectifs afin de tenir compte de leurs multiples interactions : co‐bénéfices, effets indésirables et besoin de mesures compensatoires ou de politiques complémentaires ; tirer bénéfice de cette cohérence systémique nécessite d’éviter les simplifications excessives. Par exemple, ne pas considérer que les indicateurs actuellement utilisés pour suivre les progrès forment un référentiel suffisant car de nombreux aspects importants ne sont pas mesurés statistiquement. L’usage exclusif d’indicateurs pour l’évaluation des options d’action pourrait conduire à valider un projet en ne détectant pas un impact négatif ou invalider un autre en ne mentionnant pas un impact positif. 

Ainsi les études d’impact d’une politique publique sur les ODD et les objectifs associés ne sauraient se contenter de vérifier que cette politique contribue à une cible ODD particulière, ce qui est évident la plupart du temps. Elles doivent aussi analyser les impacts positifs et, éventuellement, négatifs sur l’ensemble des autres cibles sans se limiter à l’utilisation d’indicateurs. Les évaluations grossières créent un risque de conclusions erronées. 

2. L’Académie des Technologies recommande d’utiliser l’Agenda 2030 et les objectifs associés comme référentiel systématique pour les choix d’action publique, en particulier pour les investissements des plans de relance 

En France comme à l’étranger, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont fortement sensibilisé et motivé à la prise en compte de la soutenabilité visée par les cibles ODD et leurs objectifs associés. Ces crises ont rendu plus délicate l’atteinte des ODD, ont mis en lumière certaines fragilités de notre pays, remis en cause certaines orientations et augmenté le degré d’incertitude de certains développements futurs. Une analyse succincte (« Epidémie et ODD en France », Valérie Masson-Delmotte, Académie des Technologies, 31 juillet 2020), cible ODD par cible ODD, et pour la feuille de route de la France, de ces différents impacts est accessible sur le site de l’Académie. 

Les orientations prises pour le redémarrage de l’économie et les futurs investissements publics vont structurer l’avenir du pays à moyen et long terme. Ils doivent tenir compte en particulier d’impératifs sociaux (comme la réduction des inégalités et la santé publique), économiques (en renforçant la résilience des infrastructures et des entreprises) et environnementaux (climat, biodiversité, qualité de l’air). 

Suite à cette analyse, est recommandé l’usage des ODD et des objectifs associés comme référentiel systématique pour l’Académie les choix d’action des décideurs publics et économiques ainsi que les choix d’investissements des plans de relance. 

Ceci signifie, en particulier, que les options d’action ou d’investissement fassent l’objet ex ante d’une analyse de leurs différents impacts positifs et négatifs sur l’ensemble des cibles ODD et de leurs objectifs associés. Les auteurs sont bien conscients que certaines cibles sont difficilement conciliables à première vue mais que, justement, un grand mérite des ODD est de fournir un cadre d’évaluation systémique facilitant la recherche de programmes d’actions cohérents faisant l’effort de traiter l’ensemble des enjeux. 

Vu le fort degré d’incertitude sur les évolutions de nombreux paramètres dans l’avenir, priorité devrait être donnée à des choix permettant une flexibilité et des réorientations à moyen terme, en s’appuyant sur les méthodes de prise de décision en situation d’incertitude. 

Il est également nécessaire de faire attention à ne pas imposer de choix unique qui ne tiendrait pas compte de la diversité des situations des Français et des territoires. 

Cette recommandation d’utilisation des ODD comme référentiel dans la période critique actuelle s’appuie sur la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030, qui revendique de construire des leviers d’intégration des ODD dans l’action de l’état ainsi que la prise en compte des ODD dans le travail législatif et budgétaire. Elle pourrait s’étendre au secteur économique via les rapports ESG exigés pour les entreprises. 

http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2020/12/08/16/30/05/4f4c18ec-29dd-476f-8793-fcd59118fd28/ODD%20un%20référentiel%20pour%20l’analyse%20des%20politiques%20publiques.pdf

https://www.academie-technologies.fr/blog/categories/autres-publications/posts/epidemie-et-odd-en-france

https://www.academie-technologies.fr/blog/categories/autres-publications/posts/odd-reflexions-methodologiques

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Mai 14

Développement de la mobilité routière automatisée

Anne-Marie Idrac, haute responsable de la stratégie de développement des véhicules automatisés, a récemment publié un rapport sur la Stratégie nationale de développement de la mobilité routière automatisée 2020-2022, à la demande du gouvernement et plus précisément des ministères concernés (Transport, Industrie).

Les 5 principaux enjeux collectifs sont les suivants. 

Le développement sûr de la conduite sans opérateur à bord qui concerne à la fois la concep- tion, l’exploitation, la sécurité, l’acceptabilité et la rentabilité économique de l’automatisation. Les fonctions de supervision et d’intervention à distance représentent ainsi un enjeu prioritaire pour l’action publique, à la fois dans le soutien à la R&D, les démonstrateurs, l’évaluation et la démonstration de sécurité. 

L’amélioration des fonctions de connectivité, notamment liées à l’infrastructure, pour aider le système embarqué dans sa perception de l’environnement, permettre les supervisions et interventions à distance, accompagner le dé- veloppement de services et l’exploitation de flottes de véhicules coopératifs. Le déploiement de la connectivité relève d’enjeux qui dépassent la question de l’automatisation des véhicules terrestres. A ce stade, le choix stratégique pour le développement des véhicules automatisés reste de rechercher les complémentarités entre les technologies C-ITS et les technologies mobiles, en fonction des exigences de qualité de la connectivité tant pour la sécurité que pour la qualité des services. 

La validation de sécurité, qui doit rester au cœur de l’action publique, en articulant les niveaux nationaux, européens et internationaux. Les principes ayant été posés par le cadre issu de la Loi d’orientation des mobilités (LOM) et les premiers travaux à l’ONU, il convient, au niveau national, d’accélérer la production des référentiels de sécurité, en priorité pour les transports publics et partagés sur itinéraires ou zones prédéfinis. La doctrine technique de validation relative à la supervision, à la connectivité et à l’utilisation des scénarios pour la validation, constitue une priorité. Les niveaux-cibles de sécurité visés pour les différents cas d’usage feront l’objet de travaux, en tenant compte de leur acceptabilité. 

L’acceptabilité, qui doit rester un sujet d’écoute, de vigilance et d’échanges permanents avec les acteurs de l’éco-système et, plus largement de la société civile. La question de la sécurité restera probablement centrale dans les perceptions, mais l’appétence ou le consentement à payer pour les nouveaux services, devraient prendre une importance croissante et feront l’objet d’un suivi renforcé. 

La gestion de la donnée, qui devient centrale pour la conception, la validation, l’apprentissage et l’exploitation des systèmes et des services de mobilité automatisée. Le cadre règlementaire issu de la Loi d’orientation des mobilités, concerne principalement l’utilisation des données d’apprentissage et de validation et l’utilisation des données par les autorités publiques ; sa mise en œuvre associera étroitement les acteurs, au premier rang desquelles les collectivités locales et en s’assurant de la cohérence avec le cadre européen et international. 

Les actions prioritaires à renforcer portent sur : 

Le soutien à l’innovation, qui sera renforcé et élargi, pour tenir compte de la maturation des cas d’usages, de l’importance croissante de la connectivité et de l’apport de l’infrastructure, et du besoin d’approfondir les modèles économiques. Il s’agit notamment d’accompagner le passage à l’échelle de services, ce qui nécessite de tenir compte de phases de progressivité (vitesse réduite, environnements restreints) et du développement des nouvelles briques, liées notamment à la vision augmentée, la supervision et la connectivité. Face à ce besoin de soutien public (estimé à 300 millions d’Euros sur la durée du programme d’investissements d’avenir – 2021-2025), les outils devront permettre d’adresser des projets de recherche ou de prototype, des expérimentations, des pilotes de services, des évaluations d’impacts, et des prises de participation dans des opérations de création d’actifs liés principalement aux données et à leur exploitation. 

L’approche européenne, qui sera mobilisée encore davantage, dans ses différents leviers : mobilisation du programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, poursuite des projets de déploiement pilote (permettant d’accélérer la convergence entre automatisation et connec- tivité), mise en place du cadre d’homologation de la sécurité des véhicules, normalisation de la connectivité. 

L’accompagnement des territoires, qui associera plus étroitement les représentants des collectivités aux travaux techniques pré-réglementaires et normatifs et facilitera les échanges d’expériences et la mise à disposition de doctrine technique et d’évaluation économique des nouveaux services. 

La visibilité de la stratégie, au niveau national et international, sera améliorée, par des actions conjointes des pouvoirs publics et de France Véhicules Autonomes. 

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/secteurs-d-activite/industrie/20171_strategie-nationale-vehicule_automatise_web.pdf

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