La mise en place de la nouvelle équipe gouvernementale lui donne l’occasion de préciser sa stratégie en matière de recherche et innovation … sachant que les grandes lignes politiques restent les mêmes, en particulier s’agissant du PIA.
C’est tout d’abord l’audition au Sénat de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ce dernier point étant important pour notre propos !).
La ministre indique d’abord que trois constats guideront son action sur les sujets dont elle a la charge.
L’enseignement supérieur fait d’abord face à des défis considérables, dont l’échec en licence pour 60 % des étudiants inscrits est l’illustration la plus sévère. Cette situation n’est pas acceptable : il faut faire de l’accès réussi à l’enseignement supérieur une priorité absolue. (…)
La recherche doit ensuite retrouver sa place au centre de la société, au moment où la fermeture des pays sur eux-mêmes et le relativisme gagnent du terrain dans le monde. Nous devons faire le pari de la science comme clé du progrès, ce qui passe par le soutien à la recherche fondamentale, par l’investissement de long terme dans le progrès des connaissances, qui doivent trouver une traduction sociale et économique. (…)
Enfin, en ce qui concerne les établissements et la politique de sites, nous devons nous mettre à travailler dans un esprit de confiance, pour que les sites puissent faire valoir leur identité et mener des expériences originales. Ce n’est qu’après que l’État devra en évaluer les résultats et en mesurer les conséquences. Les grandes écoles doivent ainsi devenir d’authentiques acteurs des transformations en cours.
Frédérique Vidal précise ensuite les quatre axes de travail développés suivant cette base.
Le premier : replacer la réussite et l’insertion des étudiants au cœur de nos missions. (…)
Notre deuxième axe de travail consistera à conforter la science française, au bénéfice de tous. (…)
En particulier, pour ce faire, nous développerons la recherche sur l’éducation, en particulier grâce aux sciences cognitives. (…)
Troisième axe : accélérer la diffusion des innovations dans le tissu social et économique. Il faut pour cela revisiter nos stratégies d’innovation, raccourcir les délais de transfert, rapprocher les laboratoires des entreprises. Nous devons entrer dans une logique de coproduction de l’innovation grâce à la mise en place d’une interface directe entre le monde académique et l’entreprise. Nous devons également donner une priorité claire à la recherche partenariale.
Notre dernier axe est la pleine autonomie des établissements, qui doivent affirmer leur identité et leurs projets.
Dans le débat qui a suivi son intervention introductive, la ministre a précisé que le CIR est un outil important parce qu’il contribue à l’attractivité de la France, à notre recherche et développement. C’est particulièrement vrai pour les PME qui sont les principales bénéficiaires du CIR va en majorité.
S’agissant du CGI, elle revendique une place importante dans la gestion du PIA. Le commissariat général à l’investissement est rattaché au Premier ministre, mais, pour ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche, la stratégie de la recherche et de l’innovation est définie au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation : c’est déterminant pour éviter la dispersion. Les outils de soutien à l’innovation sont nombreux : on en comptait une trentaine en 2010 et le double aujourd’hui, certains se recoupent – c’est pourquoi il faut simplifier l’ensemble, sans perte en ligne, nous aurons un débat sur le sujet.
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20170710/cult.html
S’agissant de la recherche sur l’éducation, voir aussi http://science-innovation-developpement.com/enfin-des-perspectives-de-rd-pour-leducation / et http://science-innovation-developpement.com/19882-2/.
Ses propos sur le CGI et le PIA trouvent une résonance particulière dans la communication relative au grand plan d’investissement présentée par le Premier ministre en conseil des ministres, le 2 août dernier. Citons en quelques extraits…
Le grand plan d’investissement sera une initiative majeure de la mandature. Il poursuit trois objectifs : rehausser le potentiel économique et le niveau d’emploi ; accélérer la transition écologique de l’économie ; réduire durablement le niveau de dépenses publiques, en stimulant la transformation des services publics et en accompagnant la mise en œuvre des réformes structurelles.
À cette fin, 50 milliards d’investissements seront mobilisés sur la durée du quinquennat au service d’actions à caractère non pérenne, en vue d’effets durables, mesurables à horizon de la fin de la mandature.
Le constat de départ est le suivant. La trajectoire que la France a suivie au cours des décennies passées n’est pas soutenable dans la durée aux plans financier, social et environnemental. La transformation de notre modèle économique et social pour les cinq ans à venir doit reposer sur deux leviers. Elle proviendra d’abord des réformes économiques, fiscales et sociales et de la maîtrise de nos finances publiques. Mais celles-ci seront d’autant plus puissantes que sont parallèlement engagés des investissements transformants. (…)
Le grand plan d’investissement financera des actions pour atteindre les priorités suivantes :
- le développement des compétences, pour faciliter l’accès à l’emploi (notamment pour les chômeurs de longue durée et les jeunes sans qualifications) ;
- l’accélération de la transition écologique pour faire prendre à la France le virage vers la neutralité carbone ;
- la redéfinition de la politique de transport, en insistant sur les nouveaux modes de mobilité ;
- la stimulation de la montée en gamme des filières agricoles ;
- la transformation de l’action publique ;
- la modernisation de notre système de santé. (…)
Le programme pour les investissements d’avenir sera une des composantes du grand plan d’investissement. Il contribuera, conformément à ses objectifs, à la valorisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, et stimulera l’innovation et la modernisation des entreprises.
La notion d’investissement s’entendra au sens large : formation de capital matériel ou immatériel, mais aussi actions de formation ou d’appui à la transformation des organisations. Les allocations sectorielles des investissements seront indicatives et fongibles. Elles seront définies en fonction des objectifs du plan, mais aussi de la maturité et de la qualité des projets qui seront présentés. (…)
http://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2017-08-02/le-grand-plan-d-investissement
L’objectif affiché de transformation des services publics reprends une volonté pérenne de tous les récents gouvernements, reprise dans un récent document du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, rattaché au Premier ministre, titré …
La recherche de solutions nouvelles est aujourd’hui une nécessité pour l’administration française. Nécessité budgétaire: on peut voir dans la trajectoire des comptes publics une injonction à l’innovation de notre administration. Nécessité sociale : la complexité des demandes sociales, entre la « génération Y » et les seniors, appelle des approches publiques adaptées. Nécessité morale : les institutions publiques doivent retrouver la pleine confiance des citoyens. Nécessité démocratique : les citoyens aspirent de plus en plus à participer aux décisions publiques. Nécessité structurelle : comme tout organisme vivant, l’évolution est la condition de survie des administrations publiques. C’est « l’impuissance publique » qui menace l’administration française, sa légitimité et son efficacité. Ce risque doit inspirer une profonde rénovation de ses modes d’action et de son état d’esprit.
Frédérique Vidal insistait sur la logique de coproduction de l’innovation grâce à la mise en place d’une interface directe entre le monde académique et l’entreprise. Comment y arriver ? Et quelle intervention publique pour favoriser le transfert des résultats de la recherche publique vers les entreprises ?
Cette dernière question est justement le titre d’un récent rapport de la DG Trésor (eh oui, l’axe sous-jascent à toutes ses stratégies est de faire baisser les budgets publics, la « trajectoire non soutenable« ).
Le transfert se compose de différents canaux, qui peuvent être informels (contacts entre les laboratoires publics et les entreprises au cours de conférence ou par le biais des publications) ou formels (recherche contractuelle ou collaborative, commercialisation des résultats de la recherche publique (brevets, licences, …), mobilité des personnels de recherche entre les laboratoires publics et les entreprises, ou encore création d’entreprises par des chercheurs publics).
Cette étude met en évidence trois obstacles majeurs : les différences naturelles d’objectifs et de culture entre les chercheurs publics et les entreprises entraînent des problèmes de communication et de coordination entre les parties ; les incertitudes concernant les coûts et le résultat du transfert accroissent le risque de son financement et de la contractualisation ; des asymétries d’information importantes entre les chercheurs publics et les entreprises ainsi que des obstacles informationnels (notamment pour identifier l’instrument de soutien public ou le partenaire adéquats pour l’activité de transfert) accentuent les risques et les coûts du transfert.
De nombreux dispositifs publics existent pour contribuer à combler ces défaillances de marché ; en France, on ne compte pas moins de 50 dispositifs nationaux de soutien au transfert en 2016.
Malgré les moyens publics importants consacrés au transfert, les indicateurs disponibles, qui ne concernent que les canaux formels du transfert, semblent montrer que la France ne fait pas partie des pays les plus performants en matière de transfert, hormis pour les dépôts de brevets par la recherche publique. Cependant, les derniers indicateurs disponibles ne prennent pas encore en compte les fruits des initiatives lancées dans le cadre du Programme des Investissements d’Avenir (PIA). Et on revient au PIA.
Dans les axes qui paraissent prometteurs pour renforcer encore l’efficacité du transfert en France, il semblerait notamment utile d’encourager davantage les chercheurs publics à s’engager dans des activités de transfert, d’améliorer l’efficacité du soutien à la recherche partenariale, qui peut être rendu plus lisible, et de diminuer les obstacles informationnels auxquels se heurtent les entreprises voulant réaliser des activités de transfert.
http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/436258
Enfin, dernière étude citée ici, tirée du n° 493 (juillet 2017) de la revue Economie et statistique de l’Insee, un article intéressant qui évalue l’effet des aides publiques à la R&D pour l’emploi pour les petites entreprises en France.
Cette étude part du constat qu’au cours des années 2000, les pouvoirs publics ont fortement développé les dispositifs d’aides pour accroître les dépenses privées de R&D. L’État a ainsi alloué aux entre- prises près de 8 milliards d’euros d’aides à la R&D en 2013, soit près de 0.4 point de PIB (contre moins de 0.2 en 2003). En 2013, la France est le 3e pays au monde en termes de financement public de la R&D et le premier en termes d’incitation fiscale à la R&D (OCDE, 2016).
Il met en évidence que l’effet du soutien public sur l’emploi consacré aux activités de R&D est positif et croissant entre 2004 et 2010.
Il note aussi que, finalement, le montant total des aides à la R&D (directes et indirectes) reçues par les PME a augmenté de 300 % entre 2003 et 2010 et atteint près de 2 milliards d’euros dont 26 %, soit près de 500 millions d’euros, ont été perçus par les TPE. (…) Néanmoins, l’augmentation des aides, particulièrement après l’importante réforme du CIR en 2008, s’accompagne d’un effet d’aubaine significatif : selon nos estimations, seulement entre 18 et 34 % du supplément d’aides obtenu par les entreprises entre 2008 et 2010 aurait servi à financer de nouveaux emplois hautement qualifiés.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2889922?sommaire=2889938
On ne peut pas parler en termes généraux de la relation entre recherche publique et entreprises. Les réalités sont très variables selon les secteurs et selon les établissements. Voir par exemple la variabilité du nombre de contrats CIFRE selon les établissements d’origine.
Dès le premier constat, on se pince !! la sortie des étudiants est problématique donc on va changer … les conditions d’entrée !! Évidemment, si notre pays pense qu’une sélection plus importante va augmenter la matière grise globale, il faut continuer à réfléchir aux accès à l’Université (seule à avoir des échecs ?)…