A l’époque de la COP (la 23ème), exercice annuel qui voit les dirigeants se mettre au chevet de notre planète, il est bon de se demander quel rôle peuvent jouer ensemble scientifiques et société civile ensemble sur la question des enjeux climatiques. En France car, selon la terminologie officielle, les Etats-Unis ont l’intention de se retirer de l’accord, à moins que le président puisse identifier des termes plus favorables aux entreprises, travailleurs et contribuables américains.
C’est la question à laquelle s’est récemment intéressé le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) à partir d’une étude puis d’un avis élaboré sous le pilotage de Julien Blanchet et Jean Jouzel.
La question de la lutte contre le réchauffement climatique et d’adaptation à ses conséquences offre l’opportunité d’un dialogue sciences-société renforcé, protéiforme et continu, associant chercheur.euse.s, décideur.euse.s politiques, acteur.rice.s de la société civile organisée, dans toutes ses dimensions, et citoyen.ne.s.
Comme le remarque le préambule du rapport, les scientifiques impliqué.e.s dans les différents aspects du changement climatique aspirent à développer un dialogue sciences-société structuré. La société dans son ensemble se sentant plus qu’hier concernée par le défi collectif du réchauffement climatique sollicite déjà cette communauté.
Les recommandations de l’avis sont reprises ci-dessous. Elles ont pour objectif que les interactions, déjà nombreuses, entre la communauté scientifique « climat » et la société dans son ensemble, se transforment en un véritable dialogue afin de les rendre encore plus fructueuses.
- Le dialogue sciences-société sur les questions climatiques s’est nourri au fil des années, mais il a tardivement été pris en compte dans les politiques publiques
Pour développer le dialogue sciences-société sur les enjeux climatiques, un processus d’échange et de rencontre entre les acteur.rice.s de la recherche et ceux.celles du monde économique au niveau territorial est une nécessité.
- Au niveau mondial le GIEC est un modèle sans équivalent de dialogue entre décideur.euse.s politiques et communauté scientifique
Les chercheur.euse.s français.e.s doivent s’impliquer et si possible renforcer leur présence, notamment au niveau des relecteur.rice.s, dans le processus du GIEC. Cette participation au GIEC requiert un soutien financier spécifique qui doit être assuré par les ministères concernés.
- Au niveau national les modalités de ce dialogue sont diversifiées et doivent être améliorées
La France doit se doter, au niveau national, de lieux d’interaction entre la communauté scientifique « climat » et les décideur.euse.s politiques de façon à étayer la position française dans les négociations climatiques. Les instances de dialogue mises en place doivent permettre qu’il se développe véritablement entre décideur.euse.s politiques et scientifiques. Les organismes du type « comité d’experts » regroupant principalement des scientifiques et fonctionnant selon les règles propres à l’éthique scientifique doivent être privilégiées. Le CESE partage avec le Parlement le besoin d’analyse des choix scientifiques et technologiques. Aussi faut-il envisager une évolution de l’OPECST vers une instance composée de membres des trois assemblées. En s’inspirant de l’exemple du Royaume-Uni, la France devrait créer au niveau du Président de la République et sous son autorité un poste de « chief scientist », qui serait confié à un.une chercheur.euse de haut niveau, internationalement reconnu.e.
- Le dialogue entre les acteur.rice.s économiques et la communauté scientifique est perfectible
Le développement des services climatiques devrait faire l’objet d’un dialogue permanent entre la communauté scientifique et les acteur.rice.s de l’entreprise. La simplification des démarches d’appels à projets pour les PME doit être poursuivie afin de renforcer l’opportunité de création de projets collaboratifs concernant tout particulièrement l’accès aux services climatiques. Les chambres consulaires pourraient accroître leur contribution au décloisonnement entre le monde économique et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
- Le dialogue entre les acteur.rice.s économiques et la communauté scientifique présente des risques qu’il faut prévenir
Il serait souhaitable de mieux contrôler les déclarations de liens d’intérêt des chercheur.euse.s et notamment de bien identifier l’organisme qui les réceptionne et les conditionne. Une déclaration systématique de tous les liens, nanciers ou non, existant entre les industriel.le.s, les chercheur.euse.s, pourrait ainsi être effectuée.
- Un dialogue entre citoyen.ne.s, associations et communauté scientifique qui passe par les sciences citoyennes
L’existence des savoirs d’expérience, d’usage ou encore l’expertise citoyenne devrait être valorisée par leur mobilisation plus systématique dans la construction des projets de recherche sur le climat et les démarches scientifiques conduites dans les territoires en vue de leur adaptation aux effets du réchauffement climatique. Pour favoriser les échanges entre science citoyenne et science académique, une mission « recherche participative » fondée sur un partenariat avec des associations sélectionnées à partir de critères objectifs pourrait être inscrite dans les missions des universités et organismes de recherche. L’évaluation d’un service climatique par les populations qui utiliseront l’information apparaissant comme souhaitable, les évaluations des recherches par une communauté de pair.e.s étendue aux non scientifiques doivent se multiplier. La relance des boutiques de sciences, outils participatifs de production de connaissance scientifiques au pro t des organisations de la société civile, mérite une réflexion approfondie.
- Une organisation de la communauté scientifique qui doit répondre à cette nécessité de dialogue
Le développement et à terme la généralisation des formations à la diffusion de la culture scientifique doivent être envisagés. L’évaluation des chercheur.euse.s doit évoluer en y intégrant effectivement des critères en lien avec leur investissement vers la société. Les efforts des chercheur.euse.s pour établir et maintenir des liens avec la société devraient être facilités en temps et en moyens et pleinement reconnus et valorisés dans la formation doctorale, comme dans le déroulement de leur carrière. Dans l’exposé des titres et travaux des scientifiques, une place devrait être systématiquement dédiée à leur implication sociétale au bénéfice de la diffusion et /ou de la production collaborative de connaissance.
- L’organisation de la communauté scientifique doit répondre à la nécessité de créer des espaces ou des moments de dialogue…
Le souhait d’une construction collective, chacun avec ses spécificités, d’espaces de confiance où l’on travaille ensemble est exprimé par de nombreux chercheur.euse.s. Ces espaces doivent être mis à la disposition des chercheur.euse.s et représentant.e.s de la société pour qu’ils partagent en sécurité ce que sont leurs valeurs, leurs contraintes matérielles et leur compréhension du monde, même si elles sont très différentes. Des expérimentations de nouveaux lieux et moments sont conduites au niveau des collectivités locales. Elles doivent être poursuivies, afin d’élaborer une méthodologie fiable. Ces dispositifs expérimentaux doivent être utilisés par les chercheur.euse.s afin que la relation créée avec le public les rende plus aptes à ce que leurs discours deviennent des actes chez les autres.
- …et de lieux d’élaboration de l’expertise nationale
L’OPECST et d’autres ministères que celui de la Recherche devraient avoir la possibilité d’émettre des appels d’offres vers la communauté scientifique, en amont de la préparation de certaines lois, pour mobiliser les connaissances. Le CESE pourrait participer à l’élaboration de ces appels d’offres. Le CESE se propose d’être le lieu d’organisation d’états généraux de la science sur le changement climatique.
PS : Bienvenu.e dans le monde merveilleux de l’écriture inclusive utilisé dans le texte du CESE….