C’est sur la question de la stratégie internationale de l’enseignement supérieur français que Terra Nova s’est récemment concentré. Sont repris plus bas la synthèse et les recommandations faites. Ceci étant, la question du modèle économique n’est abordé principalement qu’au travers de la question des frais d’inscription différentiés. reconnaissons qu’au delà des bienfaits en matière d’aide au développement, notamment de la zone de l’Afrique francophone, et de la diffusion de la culture française via la diplomatie éducative, est-ce au budget national de contribuer à élever le niveau de possibles futurs concurrents ?…

Les étudiants sont de plus en plus mobiles à l’échelle internationale. Comment attirer enFrance ceux qui sont le plus à même de bénéficier de nos formations, qui pourront le mieux contribuer au développement des connaissances et à l’économie de notre pays ou de leur pays d’origine ? Si la France reste une destination prisée, elle le doit davantage à son ancien prestige ou à son passé colonial qu’à son attractivité actuelle. Nous reculons très vite dans la liste des pays d’accueil, non seulement en nombre d’étudiants accueillis, mais dans les préférences des étudiants mobiles : une vraie dégringolade ! Le sous-financement de nos universités et la dispersion des responsabilités en matière de rayonnement de notre enseignement supérieur limitent nos capacités d’accueil alors que plusieurs de nos pays voisins ont fait du développement de leur enseignement supérieur une vraie priorité nationale.
Le plan « Bienvenue en France » lancé par le gouvernement montre une prise de conscience bienvenue sur ce sujet et une réelle ambition. En revanche, la décision d’augmenter les frais d’inscriptions des étudiants étrangers non-européens présente de nombreux inconvénients : elle n’a pas été suffisamment négociée avec les acteurs universitaires, elle impose une mesure uniforme au lieu de favoriser les stratégies des universités et elle va pénaliser les étudiants de familles modestes, en particulier ceux qui viennent de pays africains alors que l’espace francophone fait partie de nos atouts à privilégier.
Nous ne pouvons pas simplement appliquer des recettes mises en œuvre dans les pays anglophones, qui sont les premiers destinataires de la mobilité étudiante internationale. Nous devons tenir compte de nos atouts : un espace francophone dans lequel les échanges sont déjà forts, une image positive de la France comme pays de culture. Les bénéfices de l’accueil des étudiants étrangers sont nombreux. C’est un élément d’une politique de rayonnement de la France dans le monde. C’est aussi un facteur de dynamisation de nos formations et de notre recherche. Enfin, c’est une manière de contribuer à une politique de développement dont les effets bénéfiques reviennent à moyen ou long terme chez nous. C’est pourquoi la discussion sur l’internationalisation de l’enseignement supérieur ne doit pas faire l’objet d’un débat simpliste, centré uniquement sur les frais d’inscription. Mais pour que notre politique d’accueil porte ses fruits, elle doit viser avant tout une démarche de qualité. Ce qui passe nécessairement par une amélioration des conditions d’accueil des étudiants étrangers.
Nous développons une série de propositions pour y voir plus clair dans notre stratégie internationale d’enseignement supérieur. On ne pourra pas accueillir plus d’étudiants, et mieux les accueillir, sans un financement supplémentaire, inscrit dans la durée et à la hauteur des ambitions annoncées. Sa répartition entre effort budgétaire, donc supporté par les contribuables français, et autres sources de financement est une question complexe qui nécessite une réflexion approfondie. Le partage des rôles entre acteurs diplomatiques et académiques, qui répondent à des logiques différentes, doit être clarifié, en respectant l’autonomie de fonctionnement des acteurs universitaires, notamment en laissant aux universités l’entière maîtrise scientifique et pédagogique de leur politique internationale. Au niveau diplomatique, il la faut prendre en compte en parallèle politique d’influence et logique d’aide au développement. Les établissements universitaires doivent développer leur stratégie internationale et prévoir les services d’accueil et d’accompagnement adaptés pour cela. Les bourses et les exonérations de frais d’inscription des étudiants doivent être développés, en particulier pour les étudiants inscrits en doctorat. A côté des bourses gérées par les postes diplomatiques, des systèmes de bourses académiques doivent être développés. Par ailleurs, les projets de développement de notre formation à l’extérieur sont une perspective à privilégier (double diplomation, déploiement de formations françaises à l’étranger…) et doivent inclure tous les niveaux d’étude, y compris le niveau IUT/STS.
Terra Nova conclut son étude par 12 préconisations.
1. Accompagner une montée en compétences des établissements.
2. Recrutement d’étudiants étrangers.
3. Dynamiser la politique des bourses et des exonérations.
4. Permettre une différenciation des droits selon les cursus.
5. Aide au développement.
6. Coopération universitaire et scientifique avec l’Afrique.
7. Exporter nos formations
8. Formation professionnelle et apprentissage.
9. Développer et approfondir les réseaux d’alumni
10. MOOCs.
11. Droits d’inscription en doctorat.
12. Redéfinir les rôles des acteurs institutionnels.

Rappelons que Terra Nova se définit comme un think tank progressiste indépendant. Son but est de produire et de diffuser des idées et des solutions politiques innovantes, en France et en Europe.
http://tnova.fr/notes/une-strategie-internationale-pour-l-enseignement-superieur-francais