A un moment où la France est en train de se définir une stratégie nationale de l’enseignement supérieur (http://science-innovation-developpement.com/strategie-nationale-de-lenseignement-superieur-les-preconisations-du-comite-stranes/), il est intéressant de regarder vers le haut et de s’intéresser aux réflexions en cours dans un pays reconnu comme l’un des meilleurs en matière d’enseignement supérieur (et d’économie…), les Etats-Unis d’Amériques.
Un groupe de présidents d’université a récemment publié ses réflexions sur le futur des universités aux USA, selon 4 axes :
- Quel sera l’évolution des modèles économiques des universités ?
- Quels seront les étudiants de demain et comment s’y adapter ?
- Quel sera le rôle des professeurs ?
- Quelles seront les grandes tendances affectant l’enseignement supérieur ?
Ces travaux ont été réalisés et publiés sous l’égide du Conseil américain pour l’éducation, la plus grande association de représentants de l’enseignement supérieur des États-Unis, ayant été financés par une bourse de la Fondation Bill&Melinda Gates. Ces 14 présidents d’université (dont la liste figure en fin de cet article) étaient réunis au sein d’un « presidential innovation lab« .
S’agissant du modèle économique, la démarche a consisté à expliciter les facteurs de changement auxquels sont confrontés les établissements d’enseignement supérieur aux USA, puis à trouver les défis à relever, lister les questions pratiques à se poser avant de cadrer une démarche de questionnement plus stratégique.
Les facteurs clés ayant un fort impact sont nombreux :
- l’érosion des financements publics,
- le niveau (trop élevé) des frais de scolarité,
- l’érosion de la confiance dans la valeur de l’enseignement supérieur (notamment dans sa capacité à préparer les étudiants au monde du travail),
- le questionnement grandissant quant à la qualité et à la productivité de l’enseignement supérieur (notamment de la part des parents et des responsables politiques),
- les évolutions démographiques des jeunes générations,
- l’augmentation des dépenses des établissements,
- la nouvelle concurrence sur le marché de l’enseignement supérieur,
- les évolutions technologiques (un plus potentiel en matière de pédagogie ou de performance économique, mais un moins budgétaire).
Pour ce groupe, la principale qualité du système américain est sa capacité à réagir et à s’adapter aux demandes du marché…. Car la logique est bien une logique de marché, donc d’offre et de demande.
Le groupe a mis en évidence trois questions/défis à relever :
- Le modèle économique de l’enseignement en ligne : les MOOCS ne sont pas la panacée ni la réponse à l’augmentation des coûts (immobiliers, humains, …) d’enseignement et la multiplication des offres est susceptible de diminuer les part de marché des établissements traditionnels.
- La reconnaissance académique : elle doit être repensée avec une réflexion sur les approches par compétences ou les pédagogies par projet.
- Le financement croisé des activités : le montant des études en commerce ou droit (par exemple) peut conduire à une désaffection des étudiants dans ces domaines et ne plus générer les ressources susceptibles de financer d’autres activités.
Les grandes questions à se poser sont de deux ordres, stratégiques et pratiques.
D’importantes questions pratiques mais importantes se posent aux établissements d’enseignement supérieur américains telles :
- Le niveau des frais d’inscription : n’ont-ils pas atteint parfois des limites alors que la dette étudiante aux USA dépasse 1000 milliards US$ . Ne faut-il pas se placer dans un environnement « en récession » (moins d’étudiants, moins de revenus, …) ? Ne faut-il pas davantage différencier les prix en fonction des modules suivis ?
- Le niveau de financement public : sa réduction devrait devenir la norme.
- Les coûts : ils doivent a minima être contenus ; les budgets doivent être repensés pour être alignés sur le cœur d’activité.
- Les données pour le pilotage et le contrôle : quelles sont les données pertinentes ?
- Les partenariats : quels sont les partenariats à bâtir ou à développer, et pour quelle fonctions ?
In fine, il faut avoir répondu à 3 grandes questions stratégiques qui concernent :
- Le cœur d’activité : degré de pluridisciplinarité ou politique de niche thématique, croissance systématique ou recentrage, externalisation d’activité pédagogique, ….,
- La différentiation par rapport aux concurrents,
- La valeur ajoutée : En échange de 4 années d’enseignement et souvent d’une somme considérable d’argent, qu’est-ce que l’établissement procure exactement? Comment peut-il démontrer sa valeur à un public de plus en plus sceptique, notamment en matière de connexion avec le monde du travail? »
Nous ne sommes plus à l’époque où Derek Boh, alors Président d’Harvard, considérait que « changer l’université c’est comme vouloir déménager un cimetière, on ne peut pas compter sur les forces en présence. »
En France aussi, les responsables des établissements d’enseignement supérieur, université et écoles, doivent (devraient ?) se poser ces questions, certes dérangeantes, mais vitales.
Les 14 présidents membres du groupe de travail étaient :
- Joseph Aoun, président de la Northeastern university
- Chris Bustamante, president de Rio Salado College
- Scott Cowen, président émérite de Tulane university
- Michael Crow, président d’Arizona State university
- John Ebersole, président d’Excelsior College
- Renu Khator, président de l’université de Houston et chancelier du système de l’université de Houston
- Paul LeBlanc, président de la Southern New Hampshire university
- Robert Mendehall, président de la Western Governors university
- Vincent Price, provost de l’université de Pennsylvanie
- Mohammad Qayoumi, président de la San José State university
- Rafael Reif, président du MIT
- Kevin Reilly, président émérite du système de l’université du Wisconsin
- Clayton Spencer, président du Bates College
- Linda Thor, chancelière de Foothill De Anza community college district