L’initiative du PIA est originale et a produit des effets positifs. C’est un concept nouveau qui a servi les objectifs pour lesquels il a été lancé. … Le PIA a bousculé des structures trop installées dans leurs certitudes et a amené des acteurs qui s’ignoraient à collaborer pour constituer la masse critique permettant d’atteindre l’excellence. … Toutefois, (…) le PIA a subi des dérives qui l’ont partiellement éloigné des objectifs initiaux.
Telle est l’esprit général, assorti de recommandations, du rapport du « comité d’examen à mi-parcours du programme d’investissements d’avenir », mandaté par France Stratégie sur demande du CGI qui vient d’être publié (voir http://science-innovation-developpement.com/mise-en-place-dun-comite-dexamen-du-pia/ ).
Pour le rapport : http://www.strategie.gouv.fr/publications/programme-dinvestissements-davenir-rapport-comite-dexamen-mi-parcours .
Remarques préliminaires
Remarquons qu’initié en 2010, le Programme d’investissements d’avenir (PIA) est trans-partis et survit aux alternances politiques.
Rien ne dit qu’économiquement, il survivra au post-2017.
Remarquons aussi qu’il est toujours présenté comme doté de 47 Md€ (35 Md€ pour le PIA 1 et 12 Md€ pour le PIA2, 10 Md€ s’annonçant pour le PIA 3), alors que sur ce montant important, 39 % (soit plus de 18 Md€ !) ne sont pas consommables, les lauréats bénéficiant simplement des intérêts du capital placé.
S’agissant du travail du comité d’examen, il est surprenant qu’il n’ai auditionné, hors CGI, que 19 personnes, la très grande majorité étant partie prenante dans la mise en oeuvre du PIA.
Synthèse de la synthèse
La synthèse de l’examen à mi-parcours tient en 10 points.
Petit résumé de la synthèse (qui fait quand même 15 pages sur les 130 pages du rapport).
- Le comité considère que, globalement, le PIA est une initiative originale qui a produit des effets positifs, à la fois quantitatifs et qualitatifs.
La pertinence des priorités stratégiques proposées par le rapport Juppé-Rocard a été confirmée ; le principe d’excellence a généralement prévalu ; le recours à des jurys indépendants a permis l’émergence de projets ignorés dans les procédures traditionnelles ; la culture de l’évaluation a progressé.
- Toutefois, le comité relève qu’au cours de sa mise en œuvre, le PIA a subi des dérives qui l’ont partiellement éloigné des objectifs initiaux.
- Quelques actions ne s’inscrivent pas dans une logique « transformante » …
- Plusieurs actions ne financent pas des dépenses exceptionnelles d’investissement mais servent simplement à remplacer des crédits supprimés par ailleurs dans le budget de l’État (« substitution budgétaire »).
- Pour certaines actions, la défaillance de marché que l’on prétend pallier n’est pas (ou plus) évidente …
- L’effet de levier vis-à-vis des financements privés n’est pas toujours perceptible.
- Les principes du PIA ont parfois été écartés pour satisfaire des demandes locales, politiques ou syndicales.
- En ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche, (environ 50 % de l’enveloppe totale du PIA), le financement de dix IDEX s’inscrit parfaitement dans l’orientation proposée par le rapport Juppé-Rocard, à savoir le « financement d’opérations véritablement transformantes conduites par cinq à dix groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche sélectionnés par un jury international », de même que le financement de 171 laboratoires (LABEX) et de 93 équipements (EQUIPEX).
Nonobstant un jugement globalement positif, le comité regrette certaines incohérences qui ne sont pas imputables au CGI, en particulier la tension entre la logique du regroupement territorial (à travers les réformes successives : Plan Campus, PRES, COMUE) et la logique de l’excellence (telle que prônée par le rapport Juppé-Rocard).
- En ce qui concerne la valorisation de la recherche et le soutien à l’innovation, les actions du PIA semblent en lien avec les objectifs initiaux, même si, là aussi, apparaissent des substitutions budgétaires.
S’agissant des différents dispositifs créés, le comité note que certains IRT ont déjà fait preuve de leur utilité, avec un effet de levier satisfaisant et que la pertinence du modèle des IHU fait aujourd’hui l’objet d’un consensus, ce qui n’était pas assuré lors de leur création. Il suggère que les ITE survivants au terme de l’évaluation soient transformés en IRT. Il estime que les SATT ne correspondent pas à une initiative véritablement originale, mais qu’elle est néanmoins importante. Le comité ne voit pas la valeur ajoutée des consortia de valorisation thématique (CVT) par rapport à d’autres dispositifs, ayant des objectifs mal définis, des travaux de qualité mais pas utilisés et avec une visibilité auprès du monde industriel très imparfaite.
- En ce qui concerne le soutien au développement d’entreprises innovantes, notamment de PME, les actions financées par le PIA sont nombreuses et diversifiées. Plusieurs actions sont bien en lien avec les objectifs initiaux, d’autres en paraissent plus éloignées. Le comité note que c’est dans ce domaine que les opérations de « substitution budgétaire » sont les plus nombreuses.
S’agissant des régions, le comité d’évaluation se demande si l’action « Partenariats régionaux d’innovation », très appréciée par les PME bénéficiaires et les Régions et sans doute appelée à être prolongée et renforcée, doit faire partie du PIA.
- En ce qui concerne les autres actions du PIA, force est de constater leur très grande hétérogénéité et le saupoudrage des moyens : « ville durable », « politiques de jeunesse intégrées à l’échelle d’un territoire », «partenariats territoriaux pour l’emploi et la formation», « économie sociale et solidaire » …
- Dans la perspective du PIA 3, le comité estime que le contexte économique a changé ; la « première priorité » n’est plus d’« accélérer la sortie de crise » mais des réformes plus structurelles s’inscrivant dans une perspective de long terme. Tout en conservant les exigences à la base du rapport Juppé-Rocard :
- former ceux qui déplaceront les frontières de la connaissance ;
- investir dans la recherche ;
- valoriser les résultats de la recherche ;
- soutenir les PME innovantes ;
- relever le défi écologique.
- Dans la perspective de la suite des PIA 1 et 2 et du développement du PIA 3, le Comité fait quelques recommandations qui se trouvent à la fin de cet article.
- Pour inscrire le PIA dans la durée et le soustraire à la contrainte de l’annualité budgétaire, il a été nécessaire de recourir à des « opérateurs » dont le nombre est peut-être trop élevé, avec des risques de conflits d’intérêt mais qui ont amélioré leur délais d’instruction (en gros de 11 à 4 mois, la cible étant de 3 mois).
- Le PIA est monté en charge sur plusieurs années et continuera à soutenir, directement ou indirectement, des acteurs importants pendant encore de nombreuses années. Le comité fait quelques recommandations en matière de gouvernance : doctrine et mise en œuvre d’évaluation, remontée d’information, accès aux données, indicateurs de suivi, …
Quelques graphiques extraits du rapport sont intéressants à présenter.
Pour mémoire, le dernier rapport d’activité du CGI présente la répartition des crédits des PIA 1 et 2 par mission budgétaire.
Dans la perspective du PIA 3, le comité d’examen recommande de :
8.1. Ne pas disperser ces moyens limités dans de nouvelles actions de court terme.
8.2. Refuser désormais toute opération de « substitution budgétaire ».
8.3. Ne pas poursuivre des actions qui font double emploi avec d’autres financements disponibles ; à cet effet, procéder préalablement à une analyse actualisée des défaillances de marché.
8.4. Poursuivre certaines actions qui sont conformes aux objectifs du PIA mais sans y affecter de moyens nouveaux dans la mesure où l’enveloppe prévue dans les PIA 1 et 2 est loin d’être épuisée. Sur ce point, le comité recommande en particulier :
8.4.1. de ne pas poursuivre l’action « développement des réseaux à très haut débit » qui est dotée de 1 milliard d’euros et pour laquelle seulement 94 millions avaient été décaissés au 31 décembre 2015, dès lors qu’il est confirmé que cette action sera poursuivie sous une autre forme et financée selon les procédures budgétaires classiques (« substitution budgétaire » à l’envers) ;
8.4.2. de poursuivre le soutien aux SATT avec les moyens disponibles (moins de la moitié avait été décaissée au 31 décembre 2015) mais en lançant un plan en vue d’en accroître l’efficacité (resserrer les liens entre les SATT et les grands organismes publics de recherche ou les universités fusionnées comme Strasbourg ou Bordeaux1 ; développer les relations avec d’autres acteurs de l’écosystème d’innovation, en particulier les IRT et les IHU ; améliorer leurs pratiques internes, notamment le fonctionnement des conseils d’administration et la gestion des risques ; renforcer leur capacité à trouver des financements au-delà du seul PIA ; rendre leurs offres technologiques plus accessibles pour les entreprises, notamment par la mise en place d’une plateforme commune des SATT) ;
8.4.3. dans le même esprit, de poursuivre le soutien aux IRT avec les moyens disponibles (en équivalent subvention, sur 901 millions d’euros, 230 étaient décaissés au 31 décembre 2015) mais en encourageant la mobilité des personnels et, dans les IRT où cela se révèle nécessaire, le renforcement des compétences ainsi que l’agilité dans la mise en œuvre des programmes de R & D ; il serait également utile d’optimiser le recours à d’autres financements en provenance des Régions et de l’Union européenne (Horizon 2020, par exemple).
8.5. Réduire la multiplicité des dispositifs en regroupant plusieurs actions qui se recouvrent largement ; ce regroupement apparaît indispensable en ce qui concerne les projets industriels pour lesquels le trop grand nombre d’actions poursuivant pratiquement le même objectif nuit à la lisibilité du PIA et permet à des entreprises de s’adresser à plusieurs guichets du PIA pour le même projet.
8.6. Concentrer les moyens nouveaux sur le renforcement d’actions qui remplissent clairement les critères du PIA (rappelés au point 2) et qui ont déjà démontré leur capacité « transformante ».
Le comité recommande en particulier de réserver les moyens à ceux qui jouent le jeu, ce qui signifie notamment :
8.6.1. continuer à soutenir les IDEX qui auront fait leurs preuves au terme de la période probatoire en leur versant le capital (comme prévu initialement dans le rapport Juppé-Rocard) ou du moins en leur garantissant un droit (sans limitation dans le temps) à la rente annuelle sur ce capital, calculée conformément au contrat conclu avec chaque IDEX; simultanément, prolonger la période probatoire pour les IDEX dont les engagements n’ont pas été tenus et les inviter à revenir dans deux ou trois ans devant un jury international ; refuser le report continuel d’une gouvernance intégrée et d’une politique scientifique de signature commune ; organiser à terme une procédure permettant d’agréer de nouveaux IDEX ou, en cas de carence grave, de retirer le label à un IDEX existant. Il est impératif de s’en tenir à l’objectif initial car il est crucial pour l’avenir de la France: développer quelques grandes universités de recherche de rang mondial ;
8.6.2. continuer à financer des laboratoires et des équipements de recherche structurants mais en mettant davantage l’accent sur la mutualisation des moyens entre les différents organismes intéressés et en y incorporant une mission de formation (y compris de formation continue de pointe) ;
8.6.3. assurer la pérennisation des IHU qui seront acceptés par un jury international au terme de leur période probatoire et examiner le potentiel pour la création de deux ou trois IHU supplémentaires ;
8.6.4. abonder le fonds SPI, compte tenu de la forte intensité capitalistique de l’étape d’industrialisation et de la difficulté de trouver suffisamment de fonds privés pour cette phase ;
8.6.5. regrouper diverses actions visant à encourager les projets innovants des PME et généraliser une procédure simple, rapide, dont l’enjeu financier par projet reste limité pour l’État mais qui a prouvé son effet bénéfique pour les PME porteuses des projets sélectionnés.
ou
où est présenté un « résumé exécutif » intéressant :