En complément de l’article précédent de ce blog, qu’il me soit ici permis de reproduite la traduction française de la lettre de Suzanne Berger, écrite pour accompagner son rapport sur l’éclairage de « bonnes pratiques d’innovation » dans le cadre d’écosystèmes industriels, et sur des axes de clarification des politiques publiques françaises pouvant être mis en œuvre à plus court terme. Beaucoup de points intéressant y sont mentionnés.
Ce rapport avait été remis le 20 janvier 2016 à Emmanuel Macron et Thierry Mandon, voir http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid99081/rapport-de-suzanne-berger-sur-les-dispositifs-de-soutien-a-l-innovation-en-france.html
« Comme nous le verrons dans les conclusions que je tire de mon enquête, ma suggestion serait de concentrer les réformes sur la création d’une interface plus large et plus dynamique entre la recherche et la formation universitaire, et les entreprises. Cela nécessitera de nouveaux efforts et des financements importants des universités.
L’image qui ressort de ces entretiens est d’une grande diversité dans la façon dont les nouvelles institutions ont évolué en fonction des régions et des écosystèmes industriels dans lesquels elles prenaient racine. Cette diversité n’a pas été intentionnelle.
La prochaine étape de la politique de renforcement des relations entre la recherche et l’économie devra délibérément fixer un programme d’expérimentation. Les expériences doivent avant tout se concentrer sur l’élargissement et l’approfondissement de la gamme d’interactions dans l’interface entre les universités et les organismes de recherche publique, et les entreprises. Ces expériences devront être évaluées à intervalles réguliers, avec des financements soumis à des résultats quantifiables. Là où on trouve aujourd’hui des exemples réussis de collaboration et des réseaux efficaces – comme c’est le cas dans les grandes écoles ou avec certaines collaborations régionales étroites entre les universités et organismes de recherche et les entreprises – on pourrait en retirer d’autres modèles d’expérimentation. L’idée principale est de reconnaître que la zone critique se trouve à l’intersection entre la recherche et l’économie. Aucun modèle ne pourra fonctionner à la fois dans tous les territoires et dans tous les secteurs de l’économie.
- Identifier entre trois et cinq universités d’excellence (Idex) souhaitant intégrer dans leurs structures de gouvernance un large éventail d’activités au niveau de l’«interface». Ces activités incluraient les fonctions actuellement détenues par les SATT et en comprendraient et/ou renforceraient bien d’autres : un accueil réel et des « visites guidées » dans les laboratoires pour les industriels, la simplification des formalités des contrats de recherche, des stages pour les étudiants (comparables à ceux effectués dans les grandes écoles), des dispositifs CIFRE pour les étudiants de master et pour les doctorants, la création d’espaces collaboratifs, de « maker spaces » et de fab labs pour stimuler les initiatives étudiantes, des cours d’entreprenariat, des compétitions pour les start-ups technologiques, des services de mentorat et d’accompagnement pour les étudiants et les professeurs ayant des idées de start-ups, une stratégie de développement des relations avec les alumni, etc. De telles initiatives existent déjà mais à des niveaux d’activité trop faibles pour être productives.
- Pour les universités et les organismes de recherche : l’objectif d’un transfert est de propager les résultats de la recherche dans l’économie et la société, pas de rembourser les coûts de recherche ou de transfert.
- Aujourd’hui, les IRT/ITE sont tenus à l’écart des universités et des organismes de recherche publique, ce qui les rend peu susceptibles d’attirer des chercheurs qui en sont issus et de construire des réseaux solides. Expérimenter l’intégration d’un à trois IRT/ITE dans des laboratoires de recherche publique financés à la fois par des entreprises et par l’État.
- Distinguer les horizons temporels visés pour chaque agence de transfert. Les projets à court terme sont essentiels pour un effet immédiat sur l’économie : ils stimulent l’emploi et la croissance. Les PRRT du CEA Tech offrent des solutions qui peuvent accompagner les entreprises sur un ou deux ans. Les projets à long terme sont essentiels pour l’avenir de la France. En effet, les produits et services issus de la recherche effectuée dans les laboratoires universitaires requièrent généralement dix à quinze années avant d’être commercialisés.
- Dans les universités et les organismes de recherche : assurer un contact réel entre les chercheurs et la direction— et pas uniquement avec les services R&D des industriels. Le point critique de décision et d’achat dans une entreprise ne se trouve pas dans la division R&D.
- Simplification de la « cartographie » du système d’innovation actuel : clarifier les règles en matière d’éligibilité au CIR lorsque des entreprises privées collaborent avec des organismes de recherche publique, et éliminer les fonctions redondantes. Ex. : la commercialisation des brevets et des licences devrait-elle dépendre des SATT ou de France Brevet ? Clarifier la mission de France Brevets.
- Simplification : les grands organismes de recherche doivent prendre l’initiative de décider d’un mandataire de gestion unique pour chaque laboratoire.
- Orienter les agences de transfert vers de jeunes entreprises en voie d’expansion aussi bien que vers des start-ups. Des études récentes montrent que des emplois durables se créent davantage dans les jeunes entreprises que dans les start-ups.
- Mettre les clients au cœur du système de transfert, pas les technologies. »