La suggestion du rapport d’étape sur la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES) de faire contribuer directement les entreprises au financement de l’enseignement supérieur soulève la question du modèle de financement de l’enseignement supérieur et, au-delà, ouvre la voie à des questionnements, d’une part, sur le financement des tâches considérées comme régaliennes et, d’autre part, sur le caractère régalien ou non de l’enseignement supérieur.
Si les entreprises doivent financer directement (et non pas seulement par leur contribution au budget de l’Etat par les impôts et autres taxes dont elles doivent s’acquitter), au prétexte qu’elles sont « mieux armées pour innover, pour se développer et pour être compétitives grâce à l’enseignement supérieur« , le même raisonnement est susceptible de s’appliquer à d’autres secteurs de l’Etat. Après tout, l’administration de la justice fait régner le respect du droit dont les entreprises bénéficient. La Police et la Gendarmerie assure le respect de l’ordre public et la sécurité dont bénéficient les entreprises. La défense et les armées défendent le territoire contre l’ennemi extérieur, ce qui n’a probablement pas de prix pour les entreprises,… Pourquoi donc ne pas les obliger à financer ces administrations directement. Avec des contreparties, bien sûr, tel utiliser les gilets pare-balles des policiers ou gendarmes comme support publicitaire ou afficher que tel tribunal administratif ou telle cours d’assises est sponsorisé(e) par telle industrie pétrolière ou tel laboratoire pharmaceutique….
A l’opposé de cette démarche qui, bien évidemment force le trait, il est possible de remettre en cause le caractère régalien de l’enseignement supérieur. Aux USA, souvent cités comme modèle de réussite en la matière, beaucoup de très grandes et prestigieuses universités sont de droit privé et, comme telles, sont gérées comme une entreprise privée, avec un président – chef d’entreprise. Et quand bien même ce serait des universités d’Etat, la situation est similaire. N’est-ce pas George Peterson, président de Georgia Tech qui déclarait le 23 mai 2014, lors de l’inauguration d’un bâtiment de Georgia Tech Lorraine dédié à l’innovation technologique : « Aujourd’hui, 15 % du budget de Georgia Tech vient de l’État. Nous sommes passés d’une université « financée » par l’État à une université « soutenue » par l’État, avant peut-être de n’être plus qu’une université « localisée » dans l’État ! » ? Il ne faut pas oublier qu’en toute logique, celui qui finance est celui qui décide….
Mais tout ceci est sans doute trop provocateur…