Le numérique : un impact environnemental peu connu mais important

La consommation d’énergie du numérique est aujourd’hui en hausse de 9 % par an. Il est possible de la ramener à 1,5 % par an en adoptant la « Sobriété numérique » comme principe d’action. C’est l’axe du rapport sur l’impact environnemental du numérique publié début octobre par The Shift Project, think tank de la transition carbone.

Le numérique étant reconnu comme un levier de développement économique et social, la transition numérique apparaît comme incontournable pour l’ensemble des pays et des entreprises. La transition numérique est en outre souvent considérée comme un moyen de réduire la consommation d’énergie dans un grand nombre de secteurs. Pourtant, les impacts environnementaux directs et indirects (« effets rebond ») liés aux usages croissants du numérique sont systématiquement sous-estimés.

Le numérique est de plus en plus vorace en énergie. Le développement rapide du numérique génère une augmentation forte de son empreinte énergétique directe. Cette empreinte inclut l’énergie de fabrication et d’utilisation des équipements (serveurs, réseaux, terminaux). Elle est en progression rapide, de 9 % par an. La consommation d’énergie directe occasionnée par un euro investi dans le numérique a augmenté de 37 % depuis 2010. L’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente de 4 % par an : une hausse à contre-courant de l’évolution de l’intensité énergétique du PIB mondial, laquelle décroît actuellement de 1,8 % chaque année. L’explosion des usages vidéo (Skype, streaming, etc.) et la multiplication des périphériques numériques fréquemment renouvelés sont les principaux facteurs de cette inflation énergétique.

Le bilan carbone pour la transition numérique augmente. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié depuis 2013, passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales. Les émissions de CO2 du numérique ont augmenté depuis 2013 d’environ 450 millions de tonnes dans l’OCDE, dont les émissions globales ont diminué de 250MtCO2eq.

La transition numérique capte des ressources nécessaires à la transition énergétique. La captation d’une part progressivement démesurée de l’électricité disponible accroît la tension sur la production électrique à l’heure où celle-ci peine à se décarboner. L’augmentation de la production d’équipements numériques nécessite des quantités croissantes de métaux rares et critiques, également indispensables aux technologies énergétiques bas-carbone, alors que des facteurs physiques, géopolitiques et économiques commencent déjà à limiter leur disponibilité.

Toutefois, la contribution nette du numérique à la réduction de l’impact environnemental reste donc à démontrer, secteur par secteur, en prenant garde aux nombreux « effets rebond ».

La consommation numérique actuelle est très polarisée. Les profils de consommation numérique sont extraordinairement contrastés. En moyenne en 2018, un Américain possède près de 10 périphériques numériques connectés, et consomme 140 Gigaoctets de données par mois. Un Indien possède en moyenne un seul périphérique, et consomme 2 Gigaoctets.

Quoi faire ?

L’impact environnemental de la transition numérique devient gérable si elle est plus sobre. The Shift Project propose une définition de la sobriété numérique : acheter les équipements les moins puissants possibles, les changer le moins souvent possible, et réduire les usages énergivores superflus. La sobriété numérique est une approche « lean », autrement dit au plus juste, qui est aussi source d’efficacité – énergétique, humaine, financière – pour les organisations.

Passer de l’intempérance à la sobriété dans notre relation au numérique permet de ramener l’augmentation de consommation d’énergie du numérique à 1,5 %, ce qui n’est que similaire à la tendance globale tous secteurs confondus. La mise en œuvre de la sobriété numérique telle que nous la proposons permettrait donc seulement de contenir l’explosion en cours de l’empreinte environnementale du numérique.

Telle qu’elle est représentée dans le scénario 2018-2025 “Sobriety”, cette sobriété numérique ne remettrait pas en cause le principe de la transition numérique. Ainsi, dans ce scénario, le volume de données échangées continue à croître, et le nombre de smartphones et téléviseurs produits chaque année se stabilise au niveau de 2017 – alors que les marchés des pays développés sont déjà aujourd’hui proches de la saturation.

Il convient donc, pour The Shift Project, d’accélérer la prise de conscience de l’impact environnemental du numérique, dans les entreprises et organisations publiques, dans le monde de la recherche et au sein du grand public est un préalable.

Mais il est nécessaire de disposer de références et d’outils adéquats, prenant en comptel’impact environnemental de la composante numérique des choix qu’elles envisagent, à différents niveaux de pilotage. The Shift Project a développé de tels outils.

Pour The Shift Project, il est nécessaire de retrouver une capacité individuelle et collective à interroger l’utilité sociale et économique de nos comportements d’achat et de consommation d’objets et de services numériques, et d’adapter nos comportements en conséquence.

https://theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift/

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Une pensée sur “Le numérique : un impact environnemental peu connu mais important

  1. Je me souviens de l’incrédulité de l’ADEME il y a six ans, lorsque Google avait annoncé qu’en 2018 l’Internet dépasserait le Transport Aérien en consommation énergétique. Il fallut un an pour confirmer l’ordre de grandeur.
    Comparativement au métabolisme humain, dans lequel le cerveau consomme environ 20% de l’énergie, notre civilisation n’a donc pas encore convergé vers un système équivalent…