A un moment où Emmanuel Macron est ovationné par les entrepreneurs français de la French Tech au CES à Las Vegas, les efforts du gouvernement pour soutenir l’innovation (à la française) ne faiblissent pas.
C’est d’abord une communication du même ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique qui a présenté une communication relative à l’industrie du futur et au renouveau des pôles de compétitivité au conseil des ministres du 4 janvier. L’objectif est d’adapter la politique des pôles de compétitivité à l’occasion de l’évaluation à mi-parcours de leur troisième phase via une réforme selon trois axes.
Il s’agira, tout d’abord, d’assurer une plus grande cohérence avec les objectifs de la politique de la Nouvelle France Industrielle, notamment l’Industrie du Futur, et une meilleure lisibilité de l’organisation des pôles de compétitivité en identifiant les pôles les plus en lien avec chacune des neuf solutions industrielles.
Ensuite, l’organisation des pôles de compétitivité sera adaptée aux nouvelles compétences des régions en matière de développement économique, ce qui leur permettra de mieux s’impliquer dans cette action. Cette organisation des pôles a vocation, par ailleurs, à s’articuler étroitement avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment les groupements d’universités et d’établissements
Enfin, une évaluation des pôles sera réalisée au cours du premier semestre par un cabinet d’études indépendant, dans le but d’analyser les performances de chaque pôle.
Cette réforme associera notamment l’État et les conseils régionaux. Elle sera initiée début 2016 lors d’une grande manifestation à l’occasion des dix ans des pôles de compétitivité. Cette manifestation mettra en valeur le travail réalisé par les pôles depuis leur création à la lumière de la stratégie de la Nouvelle France Industrielle.
C’est ensuite la mise en place d’une Alliance pour l’innovation ouverte visant à promouvoir l’innovation ouverte auprès des entreprises en fédérant une communauté autour de valeurs partagées qui définissent le cadre d’une relation de confiance équilibrée.
Elle repose sur quatre piliers qui déclinent les grandes étapes d’une collaboration fructueuse : se connaître, s’ouvrir, se respecter, se projeter.
Elle s’appuie, dans le cadre d’un partenariat entre une entreprise et une start-up, sur dix principes pour une création de valeur partagée :
- L’entreprise s’engage à assurer la promotion de la start-up en interne en la mettant en relation la start-up avec ses lignes business existantes ou avec les personnes en charge d’en imaginer de nouvelles.
- La start-up s’engage à être représentée par un de ses dirigeants.
- Dans le cadre d’une relation contractualisée, l’entreprise et la start-up partagent les informations (stratégie, marché, opportunités) nécessaires au développement d’une collaboration en France et à l’international.
- La start-up et l’entreprise définissent ensemble les conditions de communication externe et de promotion de la start-up.
- La start-up et l’entreprise s’engagent à respecter la confidentialité des informations échangées entre elles.
- La start-up et l’entreprise s’accordent sur les modalités d’un partenariat équilibré (objectif, calendrier, financement).
- L’entreprise s’engage à faciliter le recours aux tests des concepts avant leurs déploiements sur le marché (test-and-learn).
- La start-up et l’entreprise s’assurent de la disponibilité des ressources humaines nécessaires à l’aboutissement du projet.
- L’entreprise adapte ses processus de décisions (achat, contractualisation, prise de participation, etc.) à la réalité de la start-up et met en place un parcours de médiation.
- La start-up et l’entreprise s’engagent à répartir de manière équilibrée la propriété intellectuelle issue du partenariat.
L’idée est clairement de fluidifier, d’améliorer et de développer des relations de confiance entre une grande entreprise et une PME, les unes étant trop souvent perçues (voire agissant) comme prédateurs des autres.
http://www.entreprises.gouv.fr/innovation-ouverte
Ces efforts paient. Je n’en veux pour preuve que le risque de prédation des pôles de compétitivité et de leurs connaissances par certains acteurs étrangers, dont s’est saisi la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) du ministère de l’Intérieur dans une note intitulée « Les pôles de compétitivité, vecteurs potentiels d’informations stratégiques au bénéfice d’entités étrangères« .
Pour protéger les pôles de compétitivité, la DGSI émet les préconisations suivantes (liste non exhaustive) :
- Etablir des contrats de collaboration limitant les risques de transfert de technologie précisant les droits de propriété intellectuelle doivent être précisés dans tout contrat de collaboration et comportant des clauses de confidentialité….
- Sécuriser les échanges de données numériques confidentielles. …
- Renforcer la sécurité des infrastructures. …
- Restreindre l’accès de représentants d’entités étrangères aux organes de gouvernance et comités de projet, … afin d’éviter les captations d’informations à la faveur d’échanges de données sensibles.
Moralité partielle : Un barbu, c’est un barbu ! Trois barbus, c’est des barbouzes !
!http://www.fiev.fr/mediatek_store/pdf/dgsi_flash_ingerence_n19_dec2015.pdf
Toutefois, à une époque où tout va très vite, où le temps de réflexion n’est pas toujours pris et où on n’a que 140 signes pour communiquer (même si ce n’est plus pour très longtemps), ne soyons pas naïfs ni trop impatients. L’arsenal de mesures prises pour soutenir l’emploi et la compétitivité via la recherche, de développement et l’innovation n’aura qu’un effet progressif à moyen et long terme.
La France a été en 2014 le 6ème pays à avoir déposer des demandes de brevets, avec 72 310 demandes, derrière l’Allemagne (179 506) et devant le Royaume-Uni (52 605). Telle est l’une des informations retirées de l’édition 2015 des « indicateurs mondiaux sur la propriété intellectuelle » publié par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle). Les demandes de brevets déposées en 2014 se sont accrues de 4,5 % par rapport à 2013. La Chine est le principal moteur de la croissance enregistrée durant l’année.
PSA Peugeot- Citroën est la première et seule entreprise française à apparaître dans le top 100 des principaux déposants de brevets dans le monde, au 75ème rang, avec près de 8 700 familles de brevets. PSA améliore régulièrement sa position (150ème dans les années 80, 135ème dans les années 90).
http://www.wipo.int/ipstats/fr/wipi/
Les sociétés basées en France ont représenté 4,6 % du total mondial de l’investissement en R&D en 2015. Leurs dépenses de recherche ont augmenté de 0,5 %. La France se positionne au 5ème rang mondial et au 2ème européen, derrière l’Allemagne (10,3 % du total) et juste devant le Royaume-Uni (4,2 %).
Ces données sont issues du Tableau de bord 2015 de l’Union européenne sur les investissements en R&D industrielle, publié par l’Institut de Prospective Technologique de la Commission européenne. Il fonde son analyse sur les 2.500 entreprises principales dans le monde qui ont investi 607,2 Md€ en R&D au cours de l’exercice 2014.
Il a notamment étudié :
- 608 sociétés établies dans l’Union, qui ont montré un taux de croissance annuel de leurs investissements R&D de 3,3%, soit une légère amélioration par rapport à l’année 2013 (taux de croissance de 2,5%) ;
- 829 basées aux Etats-Unis, qui ont montré un taux de croissance de l’investissement en R&D plus fort (8,1%) ;
- 360 au Japon ;
- 703 dans le reste du monde.
Sanofi-Aventis, la première entreprise française au classement, apparaît à la 19e position (trois places de moins qu’en 2014) avec 4 812 M€ d’investissements en R&D et une intensité de R&D de 14,2 %.
Deux observations. L’une a trait au dispositif extrêmement colbertisme de notre pays. Dans le but de favoriser la R&D, il déploie un dispositif structuré de façon défensive.
La seconde concerne ce que j’estime une erreur persistante dans l’idée que l’innovation repose sur une R&D puissante ! Eh bien je suis convaincu du contraire : ce sont les pays les plus pauvres en R&D qui ont dû faire face avec des solutions relevant du système D pour s’organiser autrement et survivre, agissant par là de manière réellement innovante !
Loin de faire l’apanage de la misère, je relève en revanche que la vison technologique de l’innovation est une lorgnette réductrice, absolument décalée par rapport aux changements qui nous attendent.