Et si la voiture électrique n’était pas la panacée …

Coincée entre la loi de programmation énergétique, le mouvement des gilets jaunes et le manque de vision systémique, le concept de voiture électrique est à la fois un mantra, un mythe, une source d’avancées technologiques, un risque industriel et un espoir.

Il est donc intéressant de rapporter ici les réflexions d’un blog, Echoradar, se définissant comme un « blogzine de détection et d’alerte avancée » et traitant de géopolitique, de défense, de sécurité et de technologie. Que des bons sujets ! De plus, l’analyse est systémique et globale, forme que j’appelais de mes voeux… dans mes voeux.

Pourquoi la ruée vers la voiture électrique doit-elle être tempérée ?Tel est le titre de l’article en question… dont les principaux éléments sont repris ci-dessous.

L’avènement du retour en grâce des véhicules électriques est un fait marquant des années 2010. Cet engouement, appréciable pour les bienfaits que peut prodiguer la fée électrique y compris dans le domaine des transports, ne saurait cependant éluder quelques questionnements amplement nécessaires à peine de désagréments conséquents.

  • La capacité de production électrique durant les créneaux horaires critiques (principalement 18h-21h) : dès lors que le parc sera en mesure de dépasser les 50% de véhicules électriques, comment la production pourra-t-elle suivre en cas de pic de sollicitation énergétique maintenu sur une durée conséquente ? Sur un échantillon territorial modeste, l’association écologique anglaise Green Alliance avait détaillé dans une étude publiée en avril 2017 que les réseaux britanniques n’étaient pas prêts à assurer une forte demande simultanée de voitures électriques en phase de recharge. L’Observatoire France Stratégie abonda en ce sens dans son étude prospective pour un véhicule propre.
  • La capacité de transport de l’énergie concernée, sachant qu’un déploiement pour accroître les capacités n’est pas une question de jours, ni de mois mais d’années et surtout d’investissements publics massifs. L’État si prompt à faire reposer sur les constructeurs et les conducteurs la charge d’un changement radical technologique sera-t-il prêt à investir dans les infrastructures nécessaires comme tel devrait être son rôle d’incitateur et de promoteur ? Qui assumera le coût des bataillons de bornes de recharge nécessaires pour satisfaire une demande exponentielle pouvant même être brutale ?
  • La réelle consommation électriquedes véhicules en circulation : sur ce point les constructeurs se montrent particulièrement discrets, et devront lever les interrogations relatives à cette donnée sensible selon un ensemble de critères définis et acceptés par l’ensemble du secteur. Certains pays, telle la Norvège, en viennent à souhaiter la taxation des SUV et berlines électriques qui dénaturent l’apport écologique de tels véhicules, lesquels réclament autrement plus d’énergie que les modèles plus compacts.
  • La problématique de la pollution ou plus exactement le déport de celle-ci puisque la confection d’une automobile électrique est bien plus gourmande en énergie et ressources fossiles qu’un véhicule traditionnel en raison d’une élaboration industrielle différente comme complexe (à commencer par les batteries qui réclament un usinage très particulier). Mais aussi l’extraction de terres rares comme de ressources minérales spécifiques entraînant toute une industrie de prospection, de récolte puis de traitement, généralement en des pays peu sourcilleux sur la problématique écologique. Sur le sujet du déport de pollution, ajoutons qu’en Allemagne, par exemple, la production d’électricité repose à 66% sur la combustion de matières fossiles, ce qui dans ce cas de figure repose de façon sensible le déport de pollution entre la fabrication et la circulation.
  • Le risque de basculement d’une relative souveraineté technologique européenne vers une dépendance accruevis à vis de fournisseurs de solutions technologiques et énergétiques d’origine asiatique. D’où la demande du président Vavassori de l’Association européenne des équipementiers automobiles à favoriser une phase de transition comme l’hybridation ou les carburants de synthèse et non une fuite en avant mû uniquement par la précipitation politique. Ou comme le gouvernement japonais qui promeut les solutions à base d’hydrogène pour éviter la main-mise étrangère sur une technologie dont elle ne maîtrise pas l’ensemble de la chaîne. En somme, ne pas arrêter les recherches et les tests sur des solutions alternatives au profit d’une seule voie qui pourrait déboucher sur une impasse vis à vis d’autres problématiques. Il est symptomatique de l’absence de vision stratégique des décideurs européens que l’excellence en matière de conception des moteurs thermiques acquise par les constructeurs du vieux continent est en passe d’être balayée par des décisions politiques les plaçant dans une situation de dépendance.
  • Le manque de recul sur les effets d’une électrification majeure. Tel était le sens de l’intervention de Carlos Tavarès lors du 67ème salon de l’automobile à Francfort 2017 où le président du groupe PSA n’entend pas endosser la responsabilité de décisions politiques de l’électrification à marche forcée du secteur. En somme ne pas subir les effets d’un « électrogate » incubé en amont par les dirigeants politiques soucieux d’éteindre une polémique avec une solution arbitraire. Par ailleurs le dirigeant français prit soin d’évoquer la question de l’inocuité des émissions électromagnétiques des futures électromobiles, sujet trop rarement évoqué et pourtant crucial sur un plan épidémiologique.
  • Le besoin de disposer d’un réel outil de mesureen matière d’autonomie en conduite réelle : le cycle NEDC souvent pris comme référence pour indiquer l’autonomie en kilomètres ne trompe pas les experts qui prennent soin de minorer systématiquement les résultats. Tout comme pour le diesel, il ne s’agit pas fondamentalement de triche, mais plutôt d’optimisation de télémétrie. L’utilisation progressive du modèle WLTP devrait permettre d’avoir une meilleure perception de la consommation réelle des électromobiles.
  • En optant préférentiellement, si ce n’est exclusivement, pour la voie électrique, ne se ferme-t-on pas à d’autres voies, y compris celle du diesel propre comme le propose certains équipementiers tel Faurecia avec son filtre à NOx ASDS ? Certaines recherches demandent plusieurs années avant une concrétisation industrielle : ne fragilise-t-on pas ces sociétés qui opèrent des développements sur le long terme en leur sommant de stopper toute avancée dans un domaine au profit d’un autre dont la maturité industrielle et commerciale reste à prouver ?
  • La rentabilité économiquedes électromobiles pour les constructeurs : un point sensible que souleva feu Sergio Marchionne, président de Fiat-Chrysler, en relatant qu’aux États-Unis pour chaque Fiat 500e vendue, la perte était de 20 000 dollars. Si l’homme est un abonné des déclarations tonitruantes, une réalité est attestée : sans apport fiscal, le marché de l’électromobilité s’effondrerait aussitôt. Le cas de Hong-Kong est symptomatique et tend à démontrer que le marché de l’électromobilité est artificiellement tiré vers le haut. Sur l’ancienne colonie anglaise, le mois précédant la suppression de l’exemption de taxes sur les véhicules électriques, Tesla vendit 2939 unités ; le mois du rétablissement des taxes, Tesla écoula… zéro modèle ! Du reste, si la Tesla Model 3 vise à être plus abordable financièrement, elle le doit indirectement à une aide fédérale américaine. Il va sans dire que ce business model repose en grande partie sur des incitations fiscales et des subventions, et que leur suppression risque d’entraîner une dépression économique pour les constructeurs les plus exposés (gamme 100% électrique).
  • Le coût économique et social des mesures d’incitationau passage à l’électromobilité ne peut plus être ignoré depuis la sévère crise des gilets jaunes français en octobre-décembre 2018 : la taxe carbone censée favoriser le passage d’un mode de déplacement à un autre s’est révélée être un accélérateur de paupérisation. La politique de fiscalité punitive et non incitative a dressé contre elle une partie de la population, discréditant l’argument écologique initial. Ajoutons qu’en outre l’électromobilité a un coût réel d’achat et d’emploi : le véhicule bien entendu, mais couplé à l’abonnement obligatoire en fourniture d’électricité ainsi que la location des batteries (qui n’est plus obligatoire chez certaines marques mais qui engendre un forfait supplémentaire conséquent lors de l’achat du véhicule).

Pour approfondir le sujet, la lecture d’un document provenant de Norvège ayant trait au modèle si particulier de ce pays scandinave dont l’achat d’électromobiles représente déjà près d’un tiers du parc automobile neuf pour 2017 peut être d’un certain apport [Bjart Holtsmark et Anders Skonhoft, The Norwegian support and subsidy policy of electric cars. Should it be adopted by other countries?http://www.svt.ntnu.no/iso/Anders.Skonhoft/Environmental%20Science%20and%20Policy%20814.pdf]. Modèle souvent cité en exemple, le cas norvégien repose néanmoins sur une donne singulière : c’est l’exploitation off-shore de gisements de pétrole et de gaz qui permettent le soutien fiscal très fortement généreux de ce type de motorisation avec en appoint une auto-suffisance énergétique excédentaire (principalement due à l’énergie d’origine hydroélectrique). Un modèle qui pourrait évoluer à l’avenir avec le tarissement progressif et sensible des réserves de ressources fossiles en Mer du Nord. La capitale Oslo, qui dispose d’un péage urbain à l’instar de Londres, a même commencé à rétablir des droits de passage aux véhicules électriques qui en étaient exempts jusqu’à présent. Son exemple doit inciter les autres pays à précisemment éviter les écueils d’une incitation trop ciblée et trop arbitraire.

Autre document à compulser, émanant cette fois de l’Agence Européenne de l’Environnement : Electric vehicles from life cycle and circular economy perspectives. Loin de donner quitus à l’électromobile, les auteurs de l’étude tiennent à insister sur l’obligation de recourir à une approche globale et non se focaliser uniquement sur l’émission d’agents polluants dans l’atmosphère durant la circulation [European Environment Agency : https://www.eea.europa.eu]. Il est ainsi préconisé de favoriser l’économie circulaire de manière plus systématique.

L’électromobile est promise à un (nouvel) avenir radieux à la condition d’éviter le dogmatisme, l’illusion et la précipitation de mesures politiques qui pourraient voir son essor stoppé brutalement au premier revers. Pareilles décisions stratégiques doivent être pensées dans une optique de pérennité assortie d’une approche empreinte de neutralité technologique afin de laisser ouvertes toutes les portes de l’innovation pour le plus grand profit de tous, à commencer par la santé de la planète.

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2 pensées sur “Et si la voiture électrique n’était pas la panacée …

  1. @Mr Gatineau:
    merci pour vos commentaires mais nous restons sur notre faim.
    pouvez-vous développer et nous dire quelles sont les inexactitudes ainsi que les « fake news » que vous avez relevées ?

  2. Cet article comporte malheureusement pas mal d’inexactitudes car il emprunte des exemples ici ou là en édulcorant une réelle vision systémique.
    Quelques éléments d’attention sont effectivement mis en avant mais pour d’autres on reste comme dans beaucoup d’articles, proche de la fake news par volonté du sur-communiquer.