Financement de l’innovation dans le monde : très difficile selon l’OCDE

La dernière crise financière a rudement secoué les activités STI (science, technologie et innovation) et le rebond qui a suivi est resté timide. Telle est l’une des conclusions du récent rapport de l’OCDE : Science, technologie et innovation : Perspectives de l’OCDE 2016. Les dépenses de R&D des États et de l’enseignement supérieur dans les pays de l’OCDE ont reculé en 2014 pour la première fois depuis que ces données sont recueillies, soit depuis 1981.

Ce rapport met aussi en garde contre le rejet de la mondialisation et de l’immigration dans certains pays, qui pourrait devenir un motif d’inquiétude supplémentaire sachant que l’innovation dépend de plus en plus de la coopération internationale et de la facilité avec laquelle scientifiques, étudiants et entrepreneurs peuvent franchir les frontières et travailler dans différents pays au cours de leur carrière.

Ce rapport note aussi que les conditions de financement de l’innovation et de l’entrepreneuriat demeurent très difficiles, en particulier pour les PME. Toutefois, les pays de l’OCDE comme les économies non-membres se sont considérablement investis pour soutenir la capacité d’innovation des entreprises.

Selon Andrew Wyckoff, Directeur de la Science, de la Technologie et de l’Innovation de l’OCDE, la croissance économique est tributaire de l’innovation, dont le monde aura tant besoin pour résoudre les problèmes colossaux que lui réserve le XXIe siècle, du vieillissement démographique à la démence, en passant par le changement climatique et les inégalités (…)  Le maintien des dépenses publiques de R&D, la science ouverte et la mobilité internationale des chercheurs sont les clés de l’innovation de demain, et de notre avenir en général.

S’agissant de la France, l’innovation reste au cœur de la politique de croissance de la France. Elle a renforcé ses stratégies et politiques de STI en faveur de la R&D des entreprises et du développement des jeunes entreprises.Pour tirer le meilleur parti de cette position favorable, la France continue de mettre l’accent sur la commercialisation des résultats de la recherche publique en vue d’accroître la compétitivité des entreprises et de relever les défis sociétaux.

Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :

  • Plus d’un tiers de la recherche mondiale effectuée par le secteur public et les établissements d’enseignement supérieur l’est dans des économies qui n’appartiennent pas à l’OCDE. En 2014, les dépenses publiques de R-D de la Chine représentaient approximativement le double de celles du Japon. L’Inde, la Russie, le Taipei chinois, l’Iran et l’Argentine possèdent des systèmes scientifiques publics parmi les plus importants au monde.
  • Cinq pays – États-Unis, Chine, Japon, Allemagne et Inde – représentaient 59 % de la R-D publique mondiale en 2014, et 25 plus de 90 % du total. Cette prépondérance d’un petit nombre de pays s’explique en partie par leur taille. Les pays appelés à connaître une expansion rapide de leur population et de leur PIB, en Afrique par exemple, ont de bonnes chances de devenir des acteurs qui comptent dans l’avenir.
  • Organismes de bienfaisance, fondations et philanthropes apportent une contribution toujours plus importante au financement de la recherche universitaire depuis quelques années, tout particulièrement dans le domaine de la santé où ils financent souvent l’étude de maladies rares ou tropicales. Cela ne sera pas sans conséquence sur les programmes publics de recherche de demain.
  • Certains pays se sont spécialisés dans des domaines différents : ainsi la santé et la médecine se voient consacrer 24 % des dépenses publiques de R-D aux États-Unis, 22 % au Royaume-Uni et 17% au Canada, l’énergie 19 % au Mexique, 11 % au Japon et 9 % en Corée. Les priorités nationales évoluent et coïncident de plus en plus souvent avec les enjeux de société évoqués plus haut, tels le changement climatique et la démographie.

http://www.oecd.org/fr/innovation/oecd-science-technology-and-innovation-outlook-25186167.htm

Présentation globale

Ce rapport est particulièrement fouillé (224 pages). Il se démarque des éditions précédentes par une approche plus prospective.

Le chapitre 1 examine les mégatendances qui devraient avoir des incidences notables sur l’économie mondiale et le financement de l’innovation, l’avenir de la société et ses relations avec la STI, et sur l’État moderne et les politiques STI à venir.

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Le chapitre 2 passe en revue les dix technologies clés émergentes les plus prometteuses qui sont susceptibles d’induire les bouleversements les plus profonds et comportent des risques importants (données massives, internet des objets, intelligence artificielle, impression 3D, microsatellites, neurotechnologies, biologie de synthèse, nanomatériaux, technologies avancées de stockage de l’énergie et chaîne de blocs).
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Le chapitre 3 envisage l’avenir des systèmes scientifiques à un horizon de 10 à 15 ans et aborde, sous un angle prospectif, des questions liées à la multidisciplinarité, à l’excellence, au financement ciblé, à la science ouverte, à la transformation numérique de la science, à l’attractivité des carrières scientifiques, ou encore à la reproductibilité des résultats de la recherche. Les Perspectives STI 2016 présentent également les évolutions récentes de la STI à la lumière de la reprise économique fragile, de la pénurie des financements à l’appui de l’innovation et de la création d’entreprises, des contraintes budgétaires croissantes, de la mondialisation et des grands défis sociétaux (changement climatique, vieillissement de la population ou creusement des inégalités).
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Le chapitre 4 fait un tour d’horizon des évolutions récentes et des perspectives de la STI et des politiques nationales. …

Zoom sur quelques points précis

Quelques points précis et illustrés peuvent être ici mis en avant.

Le secteur public emploie une part disproportionnée de chercheurs salariés.
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Le soutien public à la R&D des entreprises a significativement augmenté au cours des dernières années.
1612-ocde-1Ce soutien public plus important aux entreprises s’est principalement incarné via des incitations fiscale R&D plus généreuses.1612-ocde-31612-ocde-2Compléments

Au delà des quelques éléments ponctuels présentés ci-dessus, il est intéressant de reproduire 2 extraits de ce volumineux rapport, l’un présentant le regard sur la science et l’innovation, l’autre explicitant quelques messages clés.

Regard de l’OCDE sur la science et l’innovation

De nombreux gouvernements de la zone OCDE et au-delà sont aux prises avec des défis économiques et sociétaux sans précédent et pensent trouver dans la science et l’innovation des clés pour les affronter. Les données récentes tirées d’une enquête conjointe de la Commission européenne et de l’OCDE sur les politiques de la science et de l’innovation montrent qu’ils ont consacré, ces dernières années, beaucoup d’attention et d’efforts à la prise en charge des impératifs économiques immédiats et à la mise en place de politiques plus efficaces, influentes et responsables. Dans un contexte de croissance atone et de contraintes budgétaires fortes, nombre de gouvernements ont détourné leur attention et leur soutien de la recherche publique pour se concentrer sur l’innovation des entreprises et l’entrepreneuriat, dans le but de stimuler le potentiel des entreprises en tant que moteur d’une reprise plus dynamique et durable. Des efforts ont également été déployés pour renforcer les capacités d’évaluation des politiques nationales afin de gagner en efficience et de mieux orienter les politiques STI à l’appui des objectifs sociétaux.

Quelques messages clés (non exhaustif) :

  • Les derniers chiffres de la croissance mondiale s’avèrent décevants. Les perspectives de marché peu engageantes ont freiné l’investissement des entreprises, frappant notamment les activités d’innovation. Les investissements dans le capital intellectuel et la R-D semblent avoir atteint un palier dans de nombreux pays, nonobstant le dynamisme relatif dont ils ont fait preuve durant la crise et par la suite. Bien que les dépenses de R-D des entreprises aient retrouvé leurs niveaux d’avant-crise, après la chute amorcée en 2009, la situation financière des petites et moyennes entreprises (PME) demeure délicate dans la plupart des pays.
  • Les pays suivent des itinéraires différents en matière de développement de leur capacité d’innovation, du fait de conditions économiques variables : si certains sont aux prises avec une croissance lente depuis plus de dix ans (tel est le cas du Japon et de plusieurs pays membres de l’UE), d’autres ont connu un rythme plus soutenu (la Corée, Israël, l’Australie, les États-Unis, par exemple). L’Europe affiche des disparités notables de profils d’investissement dans l’innovation, ce qui pourrait menacer, à terme, la cohésion économique du continent. Les pays pris dans un cycle de croissance faible risquent d’accuser un retard croissant, tandis que le fossé devrait se creuser avec les champions mondiaux de l’innovation.
  • Les investissements publics en faveur de la R-D et les plans de relance exceptionnels ont compensé partiellement la baisse des dépenses de R-D des entreprises pendant et après la crise. Toutefois, compte tenu des contraintes budgétaires en perspective et de l’évolution récente des budgets publics consacrés à la R-D, qui devraient continuer de ralentir voire reculer dans les années à venir, la reprise des dépenses de R-D ne pourra venir de l’investissement public.
  • L’action des pouvoirs publics vise de plus en plus à rendre les entreprises mieux à même d’investir dans la R-D et l’innovation, ainsi qu’à accroître l’efficience de la panoplie de mesures à l’appui de la science, de la technologie et de l’innovation.
  • Les gouvernements se sont montrés particulièrement actifs dans quatre domaines en rapport avec la science, la technologie et l’innovation entre 2014 et 2016, à savoir :
    • le financement de l’innovation des entreprises et de l’entrepreneuriat, notamment via la restructuration de la panoplie de mesures, et le renforcement du soutien en faveur des PME et de leur internationalisation ;
    • la rationalisation des dépenses publiques de recherche, le resserrement des liens entre recherche publique et recherche privée, et la promotion de la recherche interdisciplinaire et de la science ouverte ;
    • la pérennisation de l’offre de talents et l’instauration d’une culture de l’innovation ;
    • l’amélioration de la gouvernance des politiques STI, une attention particulière étant portée à leur évaluation et à l’élaboration de politiques de « recherche et innovation responsables » (RIR).
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