En SHS aussi, la recherche doit enclencher des actions concrètes !

Les travaux de recherche doivent être davantage valorisés.

C’est vrai en matière de valorisation du processus de recherche : la formation par la recherche participe au renforcement des capacités humaines. C’est aussi vrai évidemment en matière de valorisation des résultats de recherche, que cette valorisation soit directement économique (brevets, développement ou amélioration de produits, création directe de valeur, …), culturelle (diffusion de la connaissance scientifique, CCSTI, vulgarisation, …) ou « sociétale » (au sens utilisation des résultats de recherche et de la compétence des scientifiques en appui à la définition de politiques publiques).

De bons exemples de ce dernier type de valorisation sont fournis par les études du GIEC sur le climat ou, à une moindre échelle, par les expertises collégiales réalisées sous l’égide de l’IRD sur demande des pouvoirs publiques (locaux) sur des sujets tels l’énergie en Nouvelle Calédonie, l’avenir du fleuve Niger, les diasporas scientifiques ou le développement du lac Tchad. Chacune de ces expertises met en jeu des connaissances et des compétences multi-disciplinaires.

1603 Athena

C’est dans cette dynamique que s’inscrit le récent rapport de l’alliance Athena consacré aux recherches sur les radicalisations, remis récemment au gouvernement par son président Alain Fuchs, PDG du CNRS.  

Remise à la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, du rapport de M. Alain FUCHS, en présence de M. Thierry MANDON, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, au Ministère de l’Éducation nationale, le jeudi 3 mars 2016 - © Philippe DEVERNAY

Remise à la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, du rapport de M. Alain FUCHS, en présence de M. Thierry MANDON, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, au Ministère de l’Éducation nationale, le jeudi 3 mars 2016 – © Philippe DEVERNAY

Notre rapport met en évidence trois vérités. La première est que la recherche française bénéficie à la fois de la notoriété internationale d’un bel ensemble de chercheurs et de la mobilisation remarquable d’une nouvelle génération. La deuxième, que cette recherche demande à mieux connue, reconnue. Mais c’est la troisième vérité, qui constitue un élément essentiel du rapport : la recherche doit enclencher des actions concrètes et avoir un effet sur la société. Même si la question de l’innovation et du transfert se pose de façon très différente en sciences sociales, il faut savoir ce qu’on fait des résultats, surtout dans un domaine où une part de la recherche concerne, justement, ce qu’il faudrait faire.

La question est bien de créer les conditions d’un transfert efficace de connaissances et de savoirs vers les décideurs publics. En s’appuyant sur le cas particulier des études sur les questions liées à la radicalisation, Alain Fuchs propose de passer à la vitesse supérieure pour à la fois soutenir de nouvelles recherches et le transfert vers, dans et par la société. Plusieurs propositions sont suggérées.

Au delà du renforcement du soutien à des thématiques prioritaires via des actions incitatives (sciences des comportements humains collectifs ;violences, terrorisme et groupes terroristes ;modes de propagande et méthodes de conversion des groupes terroristes ; recherches coloniales et post-coloniales ;approches pluridisciplinaires des questions de sécurité nationale ; politiques européennes de la sécurité) ou des actions structurelles (recherche sur l’aire Proche et Moyen-Orient ;relations entre la société française et les religions dans leur ensemble, l’islam en particulier), le rapport propose notamment de :

  • Renforcer les Umifre : les Umifre, qui jouent un rôle fondamental de soutien de la recherche française à l’étranger et spécifiquement dans le bassin méditerranéen, doivent voir leurs moyens de recherche augmenter, notamment pour qu’elles puissent, en réseau, copiloter avec Athena un appel à projets sur des thématiques » liées aux phénomènes de radicalisation.
  • Clarifier les conditions du travail sur le terrain : il est crucial de clarifier et d’améliorer les conditions méthodologiques, juridiques et déontologiques du travail de terrain sur ces questions et de réfléchir aux nouvelles conditions de la recherche.
  • Nommer un chercheur conseiller-référent, coordonnateur de l’action publique : scientifique incontestable, chargée de coordonner la mise en œuvre des résultats de recherche avec les différents ministères, institutions et agences concernés par la réponse au terrorisme et à la radicalisation et assurant la coordination d’un réseau international de chercheurs.
  • Créer une interface opérationnelle entre chercheurs et décideurs publics, Athena-Transfert : ayant pour fonction de mettre en contact le monde de la recherche et celui des décideurs publics afin de créer une culture commune aux deux groupes, qui tienne compte des spécificités de leur position et des variétés d’approches et de méthodes des chercheurs aujourd’hui.

Le rapport souligne que l’efficacité du transfert dépend, en effet, de la capacité des chercheurs à intégrer les contraintes de l’action des décideurs (les procédures de décision politique et administrative ; le cadre des institutions ; le jeu des partis, des stakeholders, et de l’opinion publique…). Elle dépend aussi de la capacité des acteurs publics à être à l’écoute des compétences des chercheurs, et à intégrer les mécanismes de la réflexion scientifique et des processus qui conduisent de la connaissance à la décision et à l’action (limites de la connaissance, difficultés de la décision en contexte d’incertitude). Remarquons en effet qu’en France, l’aptitude des décideurs politiques ou administratifs à s’appuyer sur des expertises externes et des réflexions prospectives est beaucoup plus faible que dans beaucoup d’autres pays, anglo-saxons en particulier. N’y a t’il pas deux ordres de grandeurs entre les effectifs des think tanks américains (Rand Corporation, Brooking, …) et des think tanks hexagonaux (Ifri, Iris, FRS, …) !

On ne peut donc que saluer la proposition de faire de la question de la radicalisation un banc d’essai pour le développement en France d’un autre mode de communication entre le monde des chercheurs de l’ESR et le monde des décideurs politiques. Il consiste dans le développement d’une interface opérationnelle qui tient un rôle d’intermédiaire, ou de broker, entre chercheurs et décideurs politiques.

Incidemment, on ne peut aussi que saluer une autre proposition du rapport sur la recherche sur l’éducation. La recherche en éducation doit être réhabilitée et organisée d’une manière pluridisciplinaire et pragmatique, par la création de structures sur plusieurs sites : Lyon, Lille… avec partenariats avec les institutions éducatives et dans une approche pluraliste : éducation aux valeurs, nouvelles technologies de l’éducation… Il est vrai que la part du budget de recherche publique consacré à l’éducation est sans commune mesure avec la part de l’éducation dans le budget de l’Etat. Rappelons aussi l’initiative de Roger Fougère sur les Instituts Carnot Education.

Signalons aussi la récente étude rapportée par l’Alliance Athéna : Transfert de connaissances en sciences humaines et sociales vers les décideurs publics : enseignements tirés de quelques exemples internationaux. Elle revient sur cinq exemples révélant l’efficacité des mécanismes de transfert des savoirs SHS vers les décideurs publics. Elle propose quatre « pistes » concrètes de développement :

(I) l’identification d’un acteur central de référence,

(II) la création de groupes de travail réunissant chercheurs en SHS et décideurs publics,

(III) la concertation étroite entre ces deux parties,

(IV) et l’implication des acteurs des SHS à chaque étape du processus de transfert, sont ainsi présentés comme des leviers efficaces.

( http://www.allianceathena.fr/actualite/transfert-de-connaissances-en-shs-vers-les-d-cideurs-publics-quelques-exemples )

http://www.allianceathena.fr/actualite/l-alliance-athena-remet-le-rapport-recherches-sur-les-radicalisations-au-mesr

Cet article prolonge http://science-innovation-developpement.com/bilan-de-lappel-a-projets-attentats-recherche-du-cnrs/

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