A un moment où les jeunes se mobilisent pour la préservation de la planète et où des ONG déposent plainte contre l’État pour inaction climatique, l’urgence de la situation devient flagrante et les nouvelles ne sont pas toutes bonnes. Deux exemples.
Mesures à prendre pour rester sous 1,5°C.
C’est d’abord un cabinet d’analyse (BL Evolution), repris par Novethic, « accélérateur de transformation responsable », qui évalue les mesures (extrêmes) à prendre pour rester sous 1,5 °C.
Sans surprise, l’année 2018 a encore battu des records de chaleur. Elle se classe au quatrième rang des années les plus chaudes depuis un siècle au niveau mondial. Et elle a connu une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les canicules, les sécheresses, les inondations et les ouragans. Le niveau de la mer a crû de 2 à 3 millimètres par rapport à la même période l’année dernière, alors que la fonte de la banquise et des glaciers s’est accélérée.
« Les concentrations de gaz à effet de serre ont, encore une fois, atteint des niveaux records et si la tendance se poursuit, la température risque d’augmenter de 3 à 5°C d’ici à la fin du siècle« , prévient Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Selon Météo France, qui a publié un bilan provisoire fin décembre, 2018 est l’année la plus chaude depuis le début du XXe siècle, pour la France.
Il reste peu de temps pour inverser la tendance. Dans un rapport publié récemment, le cabinet B&L évolution a mis en lumière l’ampleur des mesures à mettre en place pour s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C en France, en s’appuyant sur le scénario proposé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) d’octobre 2018. Outre les classiques rénovations énergétiques des logements et développement des énergies renouvelables, la plupart des mesures apparaissent drastiques comme l’interdiction d’acheter une voiture neuve, de prendre un long-courrier ou encore la mise en place d’un couvre-feu thermique pour abaisser la température dans les logements.

En suivant cette trajectoire, l’empreinte carbone de la France passerait de 10,5 tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 2017 à 3,7 tonnes de CO2 en 2030, ce qui entraîne des changements profonds dans tous les secteurs. Néanmoins, le cabinet reconnaît qu’il s’agit là d’un scénario « peu réaliste » et à l’impact limité si tous les pays n’enclenchent pas eux aussi un basculement aussi important. Or, pour l’instant, on en est loin.
Le World Resources Institute (WRI) estime dans un rapport publié mi-janvier que les progrès sont insuffisants dans la majorité des secteurs pour viser un pic des émissions en 2020. La consommation de charbon continue de croître, les voitures électriques sont à la traîne et la déforestation grimpe en flèche. Prochaine étape cruciale : le sommet des Nations-Unies en septembre prochain à New York, au cours duquel les États devront présenter des engagements largement revus à la hausse.
Et B&L Évolution d’ajouter que, quoi qu’il en soit, il ne faut pas baisser les bras car chaque dixième de degré compte pour « conserver des modes de vie décents à moyen terme nous évitant d’entrer dans l’inconnu ». « C’est une véritable économie de guerre qu’il faut mettre en place, une économie de rationnement, d’efforts intenses qui nous sort de notre monde de confort. Cela demande un effort important de la part de tous sur une décennie ou deux. »
La Terre sera-t-elle une étuve en 2100 ?
C’est ensuite une étude publiée dans Nature Geoscience par une équipe de trois climatologues états-uniens du Caltech qui montre qu’au delà d’un taux de 1.200 ppm de CO2 dans l’atmosphère, un point critique est atteint dans le système dynamique qu’est l’atmosphère, qui fait disparaître les stratocumulus. Or, ceux-ci réfléchissent une partie de la lumière solaire et sont donc responsables d’une composante négative du forçage radiatif. En clair, plus d’énergie sera injectée dans l’atmosphère et les températures, déjà atteintes en raison de ce taux de gaz carbonique, grimperont brutalement de 8 °C en moyenne, et de 10 °C, au niveau des régions subtropicales.
Ceci étant, pas de réactions d’effroi : ce taux élevé ne devrait pas être atteint à moyen terme, en tout cas, probablement pas avant 2100 !
Les membres du Giec ont étudié quatre scénarios RCP (Representative Concentration Pathway), quatre hypothèses de trajectoire des émissions de gaz carbonique, et leur conséquence sur la valeur qu’aura ce que l’on appelle le forçage radiatif en 2100. Compte tenu des incertitudes sur les modèles climatiques, ces scénarios donnent respectivement des températures moyennes globales pour la Terre qui seront, en 2100, quelque part entre 1,4 et 3,1°C pour RCP6, et entre 2,6 et 4,8 °C pour le scénario RCP8.5 qui est le scénario « business-as-usual », c’est-à-dire, celui où rien n’est fait, ou presque, pour stopper le réchauffement climatique.
Ceci étant, pas de réactions d’effroi : ce taux élevé ne devrait pas être atteint à moyen terme, en tout cas, probablement pas avant 2100 !
Or, le scénario RCP8.5 correspond à un taux de C02 comparable en 2100, ou pour le moins, peu de temps après ; cela signifie que si les émissions continuent sans inflexion significative, les prédictions sinistres des chercheurs californiens se vérifieraient à ce moment-là. La température moyenne globale sera, non pas de 5, mais bien de 13 °C.
Le taux de ppm de CO2 est actuellement de 410 ppm environ… Même si la bataille pour les 1,5 °C est très probablement perdue, que celle pour les 2 °C se présente mal et que nous allons, plus probablement, vers les 3 °C de plus globalement par rapport à 1900, l’humanité semble tout de même se diriger vers une réduction de ses émissions, il est donc peu plausible que le scénario, avec plus 1.200 ppm, devienne une réalité. On va plutôt vers un scénario qui se situe quelque part en dessous des 900 ppm, même si ces chiffres restent flous.