Le pilotage de la recherche publique est compliqué par les faibles marges de manœuvre laissées à l’État. De quels moyens celui-ci dispose t’il ?
Les budgets ? Mais plus de 80 % des budgets alloués passent en masse salariale et en l’achat de « fluides » divers (électricité, abonnements aux revues, internet, …).
Les nominations des dirigeants ? Uniquement dans les instituts de recherche, mais pas dans les universités, encore largement autogérées et où le principal financiers (« actionnaires »), l’État, n’a même pas de voix décisionnelle au conseil d’administration.
Les structurations ? Oui pour les universités, cf Idex et autres ComUE, mais avec difficultés. Mais quasiment pas pour les instituts de recherche (seul souvenir de structuration : fusion du LCPC et de l’Inrets pour créer l’Iffstar, … et changement de nom du Cemagref devenu IRSTEA, en attendant sa « fusion » avec l’Inra).
Les contrats d’objectifs ? L’État stratège ne peut que suivre les tendances passées.
Mentionnons quand même les actions en matière de définitions des « règles du jeu » telle l’introduction de contrats de recherche attribués après appel d’offres compétitifs, voir la création de l’ANR dans la loi Goulard en 2006. Et, bien sûr, les recrutements de chercheurs, mais ceux-ci sont recrutés dans un domaine pointu avec une durée d’activité dans ce domaine d’une quarantaine d’année !
Rappelons que la dépense intérieure de recherche publique est de 16,8 Md€ (chiffre 2014). S’agissant spécifiquement des universités et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, sur un total de ressources publiques 2014 de 6,478 Md€, 4,818 Md€ sont issus de dotations budgétaires, 1,322 Md€ de ressources sur contrat et 0,378 Md€ d’autres ressources propres.
Ceci étant dit, il convient de souligner les récentes propositions de mission parlementaire d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités. Ces 22 propositions visent à renforcer efficience et transparence dans l’attribution et l’usage des crédits.
Renforcer la lisibilité et la pluriannualité du cadre budgétaire d’ensemble
- Présenter dans les annexes budgétaires et notamment dans le « jaune budgétaire » consacré à la recherche, une ventilation des dépenses publiques de recherche consolidées par grands domaines de recherche, que ces financements soient issus de dotations budgétaires, de ressources propres ou de financements par projet.
- Instaurer une loi pluriannuelle de programmation de la recherche, sur un principe similaire à la loi de programmation militaire, pour dégager plus de prévisiblité dans le financement de la recherche et mettre ainsi en adéquation la temporalité budgétaire avec la temporalité de la recherche.
Améliorer l’efficacité des appels à projet
- Mettre fin à la mise en réserve des crédits destinés à financer les appels à projet de l’ANR.
- Étudier une simplification du dispositif de versement des frais overhead (fusion des deux mécanismes existants) et une augmentation des sommes versées jusqu’à une somme forfaitaire de 20 % des subventions accordées dans le cadre d’un projet par l’ANR.
- Rationaliser les outils de financement compétitif de l’ANR, en procédant à une évaluation précise de leurs objectifs et de leur périmètre (« appels blancs », « appels thématiques » et « appels de maturation »)
- Mettre en œuvre, à l’initiative du ministère, une structure et un réseau d’appui à la création, au financement et au suivi de projets des programmes européens. Identifier, financer et rendre visibles les structures déjà existantes au niveau national, régional ou local.
Simplifier la gouvernance des unités mixtes de recherche (UMR)
- Simplifier la gouvernance des UMR en limitant progressivement le nombre de tutelles possible sur une même entité.
- Encourager la méthode du mandataire unique au sein des UMR afin de renforcer le dialogue de gestion stratégique avec l’État.
- Harmoniser et simplifier à tous les niveaux (législatifs, réglementaires et conventionnels) les règles administratives de gestion des UMR.
Développer la contractualisation avec les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche
- Établir de véritables contrats d’objectifs et de moyens avec les établissements volontaires fondés sur des indicateurs discutés conjointement par les établissements et le ministère, permettant de donner plus de poids à l’évaluation.
- S’assurer que la masse salariale confiée à un opérateur permette de couvrir le plafond d’emploi, en laissant ensuite des marges de manœuvre pour piloter les emplois (recours aux post-docs et aux doctorants).
- Favoriser une souplesse de gestion des personnels de recherche en permettant plus largement des modulations et dérogations au profit de la recherche mais aussi, le cas échéant, de l’enseignement.
- Faire varier la dotation budgétaire initiale allouée aux établissements en fonction de l’intensité de recherche, sur la base d’un dialogue de gestion entre l’établissement et l’Etat permettant de distinguer la formation et la recherche.
- Permettre la modulation, dans le cadre des dialogues de gestion entre les équipes scientifiques et les différentes tutelles, des délais d’utilisation des financements lorsque cela est nécessaire au vu du projet scientifique.
Renforcer la légitimité et l’efficacité de l’évaluation
- Réintroduire une procédure contradictoire dans les évaluations du HCERES et instaurer un suivi obligatoire des recommandations par les tutelles, gage d’un véritable pilotage.
Pour un déploiement efficace du SI Labo
- Rendre obligatoire, à terme, l’utilisation du SI Labo (ou celle de connecteurs permettant l’inter-operabilité) pour l’ensemble des opérateurs financés sur fonds publics participant à des UMR.
- Permettre, via l’application décisionnelle, l’accès à des données consolidées par secteur thématique de recherche ainsi que la comparaison des laboratoires de ces secteurs selon les moyens dont ils disposent ou selon leur nombre de publications.
- Engager rapidement l’ensemble des organismes, sous impulsion ministérielle, dans la conception et la participation au SI Labo, en prévoyant les financements nécessaires à la transformation (ou à l’inter-opérabilité) de leurs SI et des calendriers de déploiement ajustés aux contraintes de chaque organisme.
- Confier au ministère la responsabilité de faire un point d’étape et d’échange avec les établissements sur l’avancement du projet SI Labo et son appréciation par les établissements, notamment en abordant de manière prospective les éventuels obstacles à son déploiement et son exploitation par les équipes des UMR et des établissements.
- Nommer un chef de projet transversal et ministériel pour renforcer la supervision et le suivi du développement du projet SI Labo.
- Distinguer le financement du projet SI Labo au sein des documents budgétaires, dans chacun des programmes et pour les différents opérateurs et établissements.
Favoriser l’insertion professionnelle des doctorants
- Renforcer le dispositif des CIFRE qui permet d’accroître les liens entre recherche publique et développement économique.