Alors que l’IRD attend la désignation de son nouveau Président, les auditions des 6 candidats encore en course ayant eu lieu le 8 janvier dernier, le Ministère des affaires étrangères et du développement international cherche à marquer son territoire en matière de recherche pour le développement.
Le 13 janvier 2015, lors d’un colloque (MAEDI-ANR) sur « les enjeux du développement des pays du Sud », Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du Développement et de la Francophonie, demande l’élaboration d’une feuille de route pour permettre une meilleure concertation des acteurs de la recherche pour le développement, et sa mise en œuvre d’ici un an. Ce sera à la directrice générale de la mondialisation (DGM) du MAEDI, Anne-Marie Descôtes, de piloter cet exercice avec le MENESR afin de finaliser un document qui puisse être utilisé comme référence pour l’action des organismes de recherche comme des services de l’État.
Annick Girardin enfonce le clou : Sommes-nous assez coordonnés entre nous tous sur [les sujets] qui sont prioritaires ? Les chercheurs prennent-ils toute la mesure des enjeux politiques liés à ces thèmes et les intègrent-ils suffisamment dans leur réflexion scientifique ? Les décideurs politiques parviennent-ils à tirer toute la substance proposée par la recherche ? Poser ces questions, c’est déjà y apporter une forme de réponse. Mon message est simple : nous ne nous rapprocherons jamais assez, nous ne travaillerons jamais suffisamment ensemble ! Il faut donc poursuivre, plus que jamais, dans cette voie du rapprochement, du dialogue et de l’écoute mutuelles.
Dans la continuité des Assises nationales du développement et de la solidarité internationale qui s’étaient tenues sous l’égide de Pascal Canfin de novembre 2012 à mars 2013, la secrétaire d’Etat demande à ses services, en liaison avec le MENESR, d’élaborer cette feuille de route.
Un nouvel agenda du développement durable devrait être adopté au sommet de New York à l’automne prochain, quelques mois avant la conférence COP21. Il conviendra de veiller à ce que le dispositif français de recherche favorise, par l’interdisciplinarité, l’émergence de solutions concrètes.
Au titre des priorités que la secrétaire d’État assigne aux acteurs de la recherche pour le développement, figure l’innovation, enjeu essentiel. C’est par des innovations et des manières d’aider plus innovantes, ouvertes à des acteurs de divers horizons, qu’il sera possible de mieux répondre aux attentes, d’utiliser nos ressources plus efficacement. La recherche française doit contribuer à produire des innovations qui soient massivement applicables et durables pour le Sud, en particulier pour répondre aux besoins des populations les plus pauvres. La valorisation des innovations et des initiatives locales, et l’aide à la diffusion et à la reconnaissance internationale des produits de ces activités sont essentiels pour le développement durable.
Pour Anne-Marie Descôtes, l’articulation entre recherche et politiques publiques est un enjeu majeur, en particulier dans le domaine du développement et reste un défi. Les pays en développement ont un besoin crucial de recherche scientifique. Chercheurs et politiques ont du mal à dialoguer.
Mais ceci n’est-il vrai qu’au Sud ?
Six semaines après que le nouveau décret organisant l’IRD ait supprimé l’Agence inter-établissements de recherche pour le développement, la Directrice générale de la mondialisation estime qu’il faut veiller à mieux structurer notre offre de recherche à l’égard du Sud et à ce que les organismes de recherche se coordonnent mieux (sic !). (voir aussi http://science-innovation-developpement.com/ird-renforcement-de-sa-part-agence/ )
Par ailleurs, la presse, en l’occurrence Libération, n’est pas tendre avec le management de l’IRD, tant au niveau des tutelles qu’en matière de gestion interne, voir http://www.liberation.fr/sciences/2015/01/15/l-abandon-larve-de-l-ird_1181420. L’article pointe aussi le « massacre » entrainé par la délocalisation à Marseille du siège de l’IRD, avec près de 83% des personnels qui n’ont pas suivi.
De son coté, le Cirad, deuxième organisme français de recherche au profit des pays du Sud, vient de signer un accord-cadre avec l’AFD pour promouvoir la recherche et l’innovation en faveur des pays du Sud. Cette signature a eu lieu en présence d’Annick Girardin.
Mais, tant que enseignement supérieur et recherche resteront dans le giron du Ministère des affaires étrangères et ne rentreront pas dans le périmètre d’action de l’AFD (sauf à la marge), on peut se poser la question de la réelle portée d’un tel accord, similaire d’ailleurs à un accord signé entre l’AFD et l’IRD en mai 2012.
Souhaitons que l’union nationale qui est dans l’air du temps inspire les différents dirigeants pour que les uns et les autres prennent conscience que lors de profonde mutation et de difficultés économiques, l’épaisseur des enceintes des « silos » doit diminuer et non augmenter.